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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/37

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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

chasseurs parmi les cavaliers ; enfin, la nuit venue, nous nous retirâmes dans le quartier général, placé dans la maison de briques mentionnée ci-dessus.

Qu’on me parle tant qu’on voudra de pressentiments ! C’était, la veille du plus malheureux jour de ma vie, jour où je perdis ma liberté, et, ce qui est mille fois plus affligeant, où je vis les événements qui précipitèrent la ruine totale de ma patrie : j’étais cependant calme et, qui plus est, gai. La maison où nous étions avait été pillée et ravagée comme toutes celles où les Russes avaient passé. Elle appartenait anciennement à la famille Macieiowski et ensuite à celle de Zamoyski. On voyait dans la salle du premier étage des portraits de famille représentant des primats, des grands chanceliers, des grands généraux, des évêques, etc. Tous ces personnages avaient les yeux percés, les figures sabrées et mutilées par les Cosaques. Telle était l’armée de la grande Catherine, cette protectrice des arts et des sciences. Nous ne trouvâmes plus de livres ; c’était toujours la part des officiers généraux ; russes, qui les emportaient partout où ils pouvaient en trouver ; une caisse seulement avec des brochures et une collection de gazettes polonaises depuis le commencement du siècle, était brisée, et le contenu couvrait le parquet d’une chapelle ruinée comme le reste.