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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/235

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AURORE

mands, à cause de leur penchant à obéir, profond et presque enfantin, dans toutes les choses extérieures, à cause de leur obligation d’être très isolés dans la science et de répondre de beaucoup de choses ; s’ils savent se réserver leur attitude fière, simple et patiente, et leur indépendance des folies politiques, en des temps où le vent souffle autrement, on peut encore attendre d’eux de grandes choses ; tels qu’ils sont (ou tels qu’ils étaient), ils sont l’état embryonnaire, quelque chose de supérieur. — L’avantage et le désavantage des Allemands, même chez leurs savants, c’est qu’ils se trouvaient jusqu’à présent plus près de la superstition et du besoin de croire que les autres peuples ; leurs vices sont, avant comme après, l’ivrognerie et le penchant au suicide (ce dernier est un signe de lourdeur d’esprit qui se laisse facilement pousser à abandonner les rênes) ; le danger pour eux se trouve dans tout ce qui lie les forces de la raison et déchaîne les passions (comme, par exemple, l’usage excessif de la musique et des boissons spiritueuses) : car la passion allemande se retourne contre ce qui lui est personnellement utile, elle est destructive d’elle-même, comme celle de l’ivrogne. L’enthousiasme lui-même a moins de valeur en Allemagne qu’ailleurs, car il est stérile. Si jamais un Allemand a fait quelque chose de grand, cela a été dans le danger, en état de bravoure, avec les dents serrées, l’esprit tendu et souvent avec un penchant à la générosité. — Il serait à conseiller de se mettre en rapports suivis avec les Allemands, — car chacun a quelque chose à donner, si l’on sait le pousser à le trouver, à le retrouver (car il