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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/245

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AURORE

218.

Agir en artiste avec ses faiblesses ! — S’il faut absolument que nous ayons des faiblesses et aussi que nous les reconnaissions comme des lois au-dessus de nous, je souhaite à chacun assez de capacités artistiques pour savoir donner du relief à ses vertus au moyen de ses faiblesses, de façon à nous rendre, par ses faiblesses, avides de ses vertus : c’est ce que les grands musiciens ont su faire à un degré si exceptionnel. Il y a souvent, dans la musique de Beethoven, un ton grossier, ergoteur, impatient, chez Mozart une jovialité d’honnête homme dont le cœur et l’esprit doivent se contenter, chez Richard Wagner une inquiétude fuyante et insinuante, où le plus patient est sur le point de perdre sa bonne humeur, au moment où le compositeur reprend sa force, tout comme les autres. Tous, ils ont créé en nous, par leur faiblesse, une faim dévorante, avide de leurs vertus, et une langue dix fois plus sensible à chaque goutte d’esprit sonore, de beauté sonore, de bonté sonore.

219.

La supercherie dans l’humiliation. — Tu as causé, par ta déraison, une peine infinie à ton prochain, et tu as détruit un bonheur sans retour, maintenant tu surmontes ta vanité, tu vas t’humilier auprès de lui, tu voues, devant lui, ta déraison au mépris et tu t’imagines qu’après cette scène dif-