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Page:Nietzsche - Aurore.djvu/246

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AURORE

ficile extrêmement pénible pour toi, tout est arrangé, que le dommage volontaire de ton honneur compense le dommage involontaire du bonheur de l’autre : rempli de ce sentiment, tu t’éloignes, réconforté, avec le sentiment d’avoir réparé ta vertu. Mais l’autre a gardé la profonde douleur qu’il avait précédemment, il n’y a rien du tout de consolant pour lui dans le fait que tu es déraisonnable et que tu le lui as dit, il se souvient même du spectacle pénible que tu lui as procuré en te méprisant devant lui, comme d’une nouvelle blessure qu’il te devrait, il ne songe cependant pas à la vengeance et ne comprend pas comment, entre toi et lui, quelque chose pourrait être aplani. Au fond, tu as joué cette scène devant toi-même, pour toi-même : tu y avais invité un témoin, encore à cause de toi et non à cause de lui, — ne sois pas ta propre dupe !

220.

La dignité et la crainte. — Les cérémonies, les costumes d’apparat et de dignité, les visages sérieux, les airs solennels, les discours contournés et tout ce qui, en général, s’appelle dignité : c’est la manière d’envisager les choses propres à ceux qui portent la crainte au fond d’eux-mêmes, ils veulent ainsi inspirer la peur (d’eux-mêmes ou de ce qu’ils représentent). Ceux qui sont sans crainte, c’est-à-dire primitivement ceux qui sont toujours et indubitablement terribles, n’ont besoin ni de dignité ni de cérémonies, par leurs paroles et leurs attitudes ils