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Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/195

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de soi-même. Chaque petit pas sur la terre a été payé autrefois de supplices intellectuels et corporels : cette idée « que non seulement la marche en avant, non ! le simple pas, le mouvement, le changement ont eu besoin de leurs innombrables martyrs », cette idée a, surtout aujourd’hui, quelque chose de très étrange pour nous, je l’ai mise en lumière dans Aurore, aph. 18 : « Rien n’est plus chèrement acheté, est-il dit dans ce passage, que le peu de raison humaine et de sentiment de liberté dont nous nous enorgueillissons aujourd’hui. Mais à cause de cet orgueil même il nous est presque impossible de considérer les périodes immenses de la « moralité des mœurs » qui ont précédé l’ « histoire universelle », comme seule histoire capitale, importante et décisive, celle qui a fixé le caractère de l’humanité : alors que partout la douleur passait pour vertu, la cruauté pour vertu, la dissimulation pour vertu, la soif de vengeance pour vertu, le reniement de la raison pour vertu, quand, d’autre part, le bien-être était regardé comme un danger, le désir de savoir comme un danger, la paix comme un danger, la compassion comme un danger, l’apitoiement comme un opprobre, le travail comme une honte, la démence comme une chose divine, le changement