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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/254

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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

tiste se donne à lui-même et dont il ne se cache point, sa surprise ravie à se sentir maître des ressources d’art qu’il met en œuvre, ressources d’art neuves et vierges, comme il semble nous le faire entendre. Tout compte fait, point de beauté, point de Midi, rien de la fine clarté du ciel méridional, rien qui rappelle la grâce, point de danse, à peine un effort de logique une insistance appuyée, pesante comme à dessein ; une dextérité de lourdaud, une fantaisie et un luxe de sauvage, un fouillis de dentelles et de préciosités pédantesques et surannées, quelque chose d’allemand, au meilleur et au pire sens du mot, une chose qui est, à la manière allemande, complexe, informe, inépuisable, une certaine puissance, proprement germanique, et une plénitude débordante de l’âme qui ne craint point de se dérober sous les raffinements de la décadence, — qui peut-être ne se sent vraiment à l’aise que là, une expression exacte et authentique de l’âme allemande, à la fois jeune et vieillotte, à la fois plus que mûre et trop riche d’avenir ; ce genre de musique traduit mieux qu’aucune chose ce que je pense des Allemands : ils sont d’avant-hier et d’après-demain, — ils n’ont pas encore d’aujourd’hui.

241.

Nous autres « bons Européens», nous aussi nous avons des heures où nous nous permettons un