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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

l’Orient profond, l’esclave oriental qui se vengeait ainsi de Rome, de sa noble et frivole tolérance, qui se vengeait de ce « catholicisme » romain de l’incrédulité. Et ce ne fut toujours pas la foi, mais l’indépendance à l’égard de la foi, cette insouciance souriante et demi-stoïque en face du sérieux de la foi qui, chez les maîtres, révolta les esclaves contre leurs maîtres ! La « lumière » révolte : car l’esclave veut quelque chose d’absolu, il ne comprend que ce qui est tyrannique, même en morale. Il aime comme il hait, sans nuance, profondément, jusqu’à la douleur, jusqu’à la maladie. Sa longue souffrance dissimulée se révolte contre le bon goût qui paraît nier la souffrance. Le scepticisme à l’égard de la souffrance n’est au fond qu’une attitude de la morale aristocratique. Il n’est pas la moindre cause de la dernière grande révolte d’esclaves qui a commencé avec la Révolution française.

47.

Partout où s’est manifestée jusqu’à présent sur la terre la névrose religieuse, nous la trouvons liée à trois dangereuses prescriptions de régime : la solitude, le jeûne et la chasteté, mais sans que l’on puisse se rendre compte avec certitude de ce qui est ici la cause, de ce qui est l’effet, et s’il y a là un rapport de cause à effet. On peut émettre un dernier doute, si l’on considère que, tant chez les