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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/92

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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

paracheva de la même façon l’œuvre de sa vie et finit par mettre à la scène ce type terrible et immortel de Kundry, type vécu en chair et en os. À la même époque les médecins aliénistes de presque tous les pays de l’Europe avaient un prétexte pour l’étudier de près, partout où la névrose religieuse — je l’appelle la « manie » religieuse, — sous le nom d’« armée du salut », avait produit sa dernière éruption épidémique. — Si l’on se demande ce qui a semblé si extraordinairement intéressant dans l’ensemble de ce phénomène qui apparaît, sous le nom de saint, aux hommes de toutes les classes et de tous les temps, même aux philosophes, on peut répondre que c’est, sans nul doute, l’apparence de miracle que prend ce phénomène, c’est-à-dire la succession immédiate de contrastes, d’états d’âmes qui possèdent des aspects moraux contradictoires. On croyait saisir ici de la façon la plus vivante la transformation d’un « homme méchant » devenant soudain un « saint » et un homme bon. Jusqu’à présent, la psychologie a échoué en cet endroit. N’était-ce pas surtout parce qu’elle s’était placée sous la domination de la morale, parce qu’elle croyait aux oppositions morales des valeurs, parce qu’elle introduisit cette opposition dans les faits, pour y chercher une interprétation ? — Comment ? Le « miracle » ne serait qu’une erreur d’interprétation ? Un manque de philologie ?