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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/200

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mes aïeux m’ont laissé me permettant de vivre ici à mon aise, insouciant et solitaire, sans autre ambition que de dormir la grasse matinée et de manger à mes heures. Je les ai dotés de la science, de la fortune et du don de plaire. C’étoit tout ce que j’avois de joyaux : un pauvre génie ne peut donner que ce qu’il a. Quant à toi, tu me trouves les mains vides, et j’en suis presque aussi fâché que toi. Vois pourtant, continua-t-il en frappant du pied un vieux sac de cuir qu’avoit laissé, selon toute apparence, quelque homme égaré comme nous dans ces tristes déserts, vois si yu peux tirer quelque parti de ces ferrailles ; il ne me reste pas autre chose. » Après cela il disparut.

Mon premier soin fut d’examiner mon trésor, qui se composoit d’outils bizarres que je croyois avoir vus quelquefois dans la main des ouvriers, mais dont je ne m’expliquois pas l’usage. Le second fut de recourir aux provisions que vous m’aviez ménagées, et de rassembler ce qui m’en restoit dans un autre sac qui les avoit contenues, en répartissant les deux charges d’une manière à peu près égale, pour diminuer la fatigue du transport. Cependant je marchois lentement, parce que j’étois foible, et je m’arrêtois souvent, parce que j’étois paresseux comme le sont tous les enfants ; mais je m’aperçus avec plaisir, au bout de quelques jours, que l’habitude m’avoit rendu ce travail facile et ce fardeau léger.

Bientôt je parvins à des lieux plus favorisés du ciel, où la nature me fournit assez de racines et de fruits pour suppléer à mes provisions épuisées. Je m’y serois arrêté volontiers, si le cri des bêtes féroces ne m’avoit pas inquiété pendant de longues nuits, qui n’étoient pour moi que des veilles soucieuses. C’est alors que j’appris la valeur des objets contenus dans mon sac de cuir. J’imaginai de détacher quelques fortes branches d’arbres avec un de mes instruments qui s’appelle une scie, de les enfoncer dans la terre avec un maillet, de les unir avec