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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/202

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avoit attiré l’attention des manufacturiers de Damas. Le plus opulent de tous me donna de lui-même sa fille unique que j’aimois sans oser le dire. Je reconnus sa bonté par mon zèle, et Dieu favorisa mes entreprises. J’avois centuplé sa fortune quand il la laissa dans mes mains. Arrivé moi-même à l’âge du repos, car mon bienfaiteur étoit mort plein de jours, je bornai ma dernière ambition à sanctifier sa mémoire par un bon usage des biens qu’il m’avoit laissés, et je m’avance ainsi doucement vers le terme de ma douce vie, sans avoir rien à regretter que l’épouse chérie et les amis que j’ai perdus.

Vous étiez compris dans ce nombre, car je ne vous avois jamais oubliés. L’heureux événement qui vous a rendus à mes vœux est un bienfait de plus dont je suis redevable à la divine Providence. Après ces rudes épreuves de la vie qui ont été si pénibles pour nous, il vous reste du moins à goûter, dans le sein de la famille, les loisirs sans mélange d’une tranquille vieillesse. Cet âge n’est plus celui des vives jouissances, mais il a les siennes qui ont aussi leur charme et leurs délices, et vous verrez qu’il n’est jamais trop tard pour être heureux. Nous nous rappellerons ensemble vos espérances et vos désabusements, pour nous réjouir ensemble des circonstances prospères, quoique tardives, qui vous ont fait passer de cet océan d’illusions orageuses dans un port de salut et de prospérité ; et nous tomberons facilement d’accord pour convenir que de tous les talismans qui promettent le bonheur aux vaines ambitions de l’homme, il n’y en a point de plus sûr que le travail.


Ici finit le discours du vieillard, et on ne trouvera pas mauvais que je finisse avec lui. Je vous proteste qu’il y a longtemps que j’en éprouve le besoin, et que je re-