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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/233

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entendu sa pareille dans tous les pays de moinerie ; mais il me semble que le beau temps se rétablit : le vent a cessé de bruire, et la pluie de battre les croisées.

— Ce sera vraiment plaisir de voyager tout à l’heure, remarqua gaiement Papelin, en maintenant le docteur sur son siège ; mais il seroit trop mal séant d’abandonner dame Huberte au commencement d’une si belle et si instructive narration.

— Cette narration est fort complète, répliqua le docteur avec impatience, et dit clairement tout ce que nous pouvions en attendre, c’est-à-dire l’origine et l’étymologie du nom de cette vallée : il n’y manque pas un mot.

— Il y manque, reprit Colas, une péripétie, un dénoûment et une moralité dont vous ne nous auriez pas fait grâce sur les bancs quand vous preniez la peine de nous expliquer péripatétiquement les rhétoriques de maître Guillaume Fichet ; et voilà, pour la preuve, la vénérable madame Huberte qui se dispose à continuer après avoir repris haleine.

— Le bienheureux Odilon, continua-t-elle en effet, avoit ainsi vécu près des trois quarts d’un siècle dans la retraite et la prière, quand se présenta, pour l’assister en ses saints offices, un jeune homme qui se faisoit remarquer depuis quelques mois par la dévotion de ses pratiques et son assiduité aux sacrements. Comme il avoit autant de science qu’un prêtre, autant d’éloquence qu’un prédicateur, et autant de piété apparente qu’un saint, car on n’avoit jamais vu de pénitent plus recherché dans ses mortifications, l’ermitage lui fut facilement ouvert. Son nom est pour le présent sorti de ma mémoire, quoiqu’il me semble l’avoir entendu il n’y a pas longtemps.

— Le nom de ce personnage est fort inutile à votre récit, murmura le docteur en se rongeant encore les doigts.

— Maître Pancrace Chouquet, répéta Colas Papelin,