Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/234

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d’une voix stridente, pense que le nom de ce personnage est inutile à votre récit, ô ma respectable hôtesse ! Entendez-vous bien, ajouta-t-il en criant encore plus fort, que votre histoire peut se passer du nom de ce bon apôtre, qui m’a l’air d’être quelque infernal hypocrite, et que telle est l’opinion de messire Pancrace, de messire Chouquet, de messire Pancrace Chouquet ! Vous ne vous rappelez donc pas, dame Huberte ?

— Le misérable veut me faire mourir ! pensa le docteur à part lui, en tournant les yeux vers la porte.

— Pas encore, répondit à sa pensée le petit Colas Papelin, qui s’étouffoit de rire à son oreille.

— Nous avions craint longtemps que l’appât des trésors du bienheureux n’alléchât quelques voleurs, poursuivit la bonne veuve de Tiphaine, qui avoit à peine pris garde à ces interruptions ; nous savions cette fois qu’après en avoir distribué une grande part en œuvres pies, comme je vous l’ai rapporté ci-devant, il avoit réparti le reste entre la cure et le monastère pour l’éducation des enfants, le soulagement des voyageurs et la réparation des fléaux du ciel. On ne vit donc dans toute la combe, à l’arrivée du jeune clerc, qu’un doux et favorable réconfort que la Providence envoyoit par sa grâce à la vieillesse du solitaire. Au moins, disions-nous à nos veillées, le saint homme aura quelqu’un près de lui qui lui ferme les yeux et qui appelle sur sa tête, avec la dernière onction, les bénédictions du ciel.

— Oh ! que cela est dignement pensé, brave femme ! s’écria Colas Papelin en sanglotant ; la tête de ce bienfaisant vieillard, je l’aurais moi-même bénie, je le jure, si Dieu me l’avoit permis !… Qu’en dit mon maître, messire Pancrace Chouquet ?

Pancrace tordit sa barbe, s’agita sur sa sellette, regarda de nouveau à la porte, et ne répondit pas.

— Voilà qui est bon, continua la vieille femme. Une nuit, Tiphaine se leva tout effaré d’auprès de moi : c’é-