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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/266

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secrètement avant d’avoir été lue, une complaisance de lâche et de fainéant pour vos camarades ou pour vous. Il en est bien capable, le petit bigot !

Je n’ai pas besoin de dire que Nicolas avoit tourné le dos pour prononcer ces grosses paroles.

— C’est infâme ! repris-je en l’interrompant, c’est horrible ! Si les magistrats le savoient, on réprimeroit sévèrement un tel abus de pouvoir. Le cachot est une pénalité très-grave ; et nulle pénalité ne peut être infligée à un homme libre que par l’autorité de la loi. Cette vexation est indigne à l’égard de Pierre, comme elle serait indigne au vôtre. Je vous dis qu’elle crie vengeance !

— Bon ! répliqua Nicolas en me regardant fixement cette fois. Avez-vous pris, par hasard, votre ami Pierre pour un homme libre comme moi, qui peux quitter la maison ce soir en demandant mes gages ? Il est prisonnier comme vous, à cela près que vous passez demain en justice, et que ces messieurs de là-haut sont parfaitement maîtres de vous renvoyer chez vos parents, si vous avez de bons témoins ; tandis que Pierre a treize ans à faire encore, puisqu’il n’en a fait que sept, et treize ans de galères, vraiment, quand l’idée en viendra au commissaire du pouvoir exécutif, qui le retient par faveur, comme dans un château de plaisance. Je conviens que cela serait dur ; mais que voulez-vous ? il n’avoit pas l’âge pour être guillotiné.

La guillotine, les galères, cet honnête Pierre, cette admirable Lidivine, toutes les apparences qui m’avoient frappé, toutes les notions que je venois de recueillir dans une conversation de deux minutes, se confondoient tumultueusement dans mon esprit, quand la porte se referma sur moi. Je ne pouvois plus interroger Nicolas qui n’auroit probablement pas été d’humeur à me répondre ; mais je croyois l’entendre encore murmurer son refus à travers l’épaisse muraille, sur un ton plus grave que celui des verroux : « Est-ce que je sais cela, moi ?