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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/307

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miracles d’amour et d’inconsolable constance dont les poëtes sont obligés de lui emprunter le modèle. L’hirondelle, au vêtement plus sévère, comme il convient à une exilée, file, s’égare et disparoît dans l’air. Elle va au loin pour nous préparer à la perdre ; elle vient de loin pour nous consoler par l’idée de la revoir. Elle ne sait que susurrer et se plaindre, et son murmure inquiet ressemble à des pleurs, parce qu’elle a le soin d’une famille. Tu sais de quels enseignements elle est chargée pour nous : elle annonce la pluie, elle annonce le beau temps, elle annonce le deuil de l’année, elle annonce le retour de la bonne saison ; elle porte sur ses ailes noires le calendrier du laboureur. C’est elle qui apprit à nos pères l’art de l’architecture rustique ; c’est elle qui apprend à nos filles les sollicitudes et les joies de la maternité. Le moineau, habillé comme un simple paysan pauvre, mais robuste, de bonne humeur, et tout dispos pour une fête, le moineau, vif, indiscret, curieux, pétulant et bouffon, vole, sautille, bondit au milieu de nos troupeaux et de nos enfants. Il babille, il jargonne, il siffle, il porte partout la gaieté. Libre habitant du toit domestique, où il paye sa bienvenue en plaisirs, on lui doit tout ce qu’il dérobe, on lui donne tout ce qu’il demande, et il le sait si bien qu’il ne manque jamais, quand la neige couvre la terre où dorment les semences que nous lui avons confiées, de venir frapper du bec, avec un air résolu, à la vitre de la salle à manger, pour réclamer les miettes du festin. En vérité, n’imagines-tu pas que le premier homme qui fit servir sur sa table le pigeon de ses tourelles, l’hirondelle de ses corniches et le moineau de ses murailles, viola outrageusement les saintes lois de l’hospitalité[1] ?

  1. Nodier, tout en devenant un des maîtres de la littérature, un des causeurs les plus aimés, les plus éblouissants de la société parisienne, garda toujours un sentiment très-vif de la vie simple de ses premières années, une sympathie profonde pour la nature et ses merveilleuses créations. Les plantes et les animaux étoient pour lui des amis véritables, et, comme on le voit par la page