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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/335

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et d’une remarquable propreté, qui devoit être la meilleure de la maison. Elle m’y fit asseoir sur une sorte de fauteuil d’honneur, dont le siège étoit assez joliment tressé de paille jaune et bleue, pendant qu’elle congédioit dans la chambre suivante une volée tout entière de petits oiseaux de la montagne et des champs, qui s’étoient à peine effarouchés à mon approche, et qui lui obéissoient avec un empressement charmant à voir, tant ils étoient bien apprivoisés.

Elle renouvela ensuite les offres qu’elle venoit de me faire, et s’assit, sur mon refus réitéré, en me demandant à quoi du moins on pourroit m’être bon dans la maison blanche des bois.

— Je le disois à votre fils quand vous êtes survenue, lui répliquai-je, mais il m’a tout à fait oublié. Le pauvre enfant, madame, est bien affligé ! Le voyez-vous depuis longtemps dans cet état ?

— Non, monsieur, répondit-elle en essuyant une grosse larme, et cela même n’est pas continuel. Il est toujours triste, aussi triste qu’il est bon, le pauvre Baptiste ; mais il ne manque pas de suite dans ses idées et dans ses actions, quand de certains mots que je me garde bien, comme vous pouvez croire, de prononcer devant lui, ne le rendent pas à ses accès. Comment ces mots le troublent, c’est ce que je ne sais pas. Je les évite, et voilà tout. Il étoit né si heureusement, ce cher enfant, qu’il faisoit l’espoir et d’avance l’honneur de mes vieux jours ; mais le bon Dieu a changé tout à coup ses intentions sur lui !…

Ses larmes abondèrent à ces derniers mots. Je lui pris la main, en lui demandant pardon de renouveler de telles douleurs.

— Il faut vous dire, puisque vous avez la bonté de vous intéresser à Baptiste, reprit-elle avec plus de calme, que Joseph Montauban, mon mari, étoit le meilleur ouvrier en bâtiment du Grand-Vau. Cela n’empêchoit pas