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Page:Notice historique sur les ouvrages et la vie de Cuvier.djvu/107

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si remarquable, même lorsqu’il s’agissait d’apprécier les découvertes et les systèmes de ses contemporains !

Comment ne pas déplorer que cette grande activité d’esprit, que ce génie sublime qui grandissait chaque jour par le travail, n’ait pas eu le temps de réaliser ainsi toutes ses conceptions !

Dans les beaux-arts, dans cette partie des lettres dont ils ne sont que l’expression, la fraîcheur de la jeunesse, la vivacité de l’imagination, secondent mieux les créations du génie, que l’expérience et les années ; celles-ci les dépouillent trop souvent de ce qu’ils ont d’idéal et par conséquent de presque tout leur charme.

Il n’en est pas de même dans les sciences naturelles. La raison, ce jugement des jugemens sur les réalités de l’univers, sur les existences et les lois qui les régissent, ne s’y forme que par l’expérience ; comme dans la vie sociale, où elle n’est que la connaissance et la règle de ce qui est bien pour les individus et pour la société.

L’homme supérieur, comme tous les autres hommes, est sous l’empire de cette nécessité. Mais combien cette expérience nécessaire lui profite plus dans ses observations qu’à celui dont les regards, moins pénétrans, ne peuvent embrasser qu’une partie de la surface des objets, que quelques-uns de leurs rapports les plus évidens. Chaque jour de nouvelles observations sont l’occasion de nouvelles comparaisons, desquelles il déduit ses jugemens. L’expérience du lendemain fortifie l’expérience de la veille. Ces jugemens de chaque jour, de chaque semaine, de chaque année, finissent par donner à la raison, quand elle est, comme chez M. Cuvier, le produit des facultés intellectuelles les plus parfaites, une justesse de vue, une perspicacité pour pénétrer les