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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/276

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LE MORT


» Reviens sous peu… Tu voudras bien, j’espère,
» Être auprès d’elle le porteur de mon billet,
» Lorsque dans sa maison ne sera pas ce duc que tu dis
» Si terrible… — Que dites-vous ? Ah ! mon maître ! »
Interrompit frère Carlo ; « je ne suis pas timide,
» Et je n’irais pas, quand vous me feriez pape ! »

Cela dit, il partit ; et frère Marco se mit
À bourrer sa lettre de tendresses ;
D’éloges et de prières il ne fut avare,
Il l’aurait même mouillée de larmes.
Il écrivit longuement, et la conclusion fut
Qu’il voulait avec elle secouer le croupion.

Il ferma ensuite sa missive et la remit
À une amie sûre du Tiers Ordre,
Qui consentit, moyennant forte somme,
À se charger d’une si délicate aventure.
Elle demande audience à la dame, et l’ayant obtenue,
La salue de la part de frère Marco.

Et elle lui tend la lettre, et elle prétend faire
L’éloge du moine amoureux ;
Longuement elle s’étend sur sa beauté,
Le vante comme poète et littérateur ;
Mais la dame s’écria : « Sors
» De ma présence et avec toi emporte ce billet.

» Rends-le à celui qui t’a envoyée ;
» Tu lui diras qu’il prenne garde à lui,
» Et qu’il pourrait, en envoyant de nouveaux billets,
» Se mettre sur les bras de fiers embarras ;
» Qu’il devrait savoir enfin, si ce n’est pas un sot,
» De quel bois se chauffe le duc Zamberlucco. »