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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/288

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LE MORT


Il l’enveloppa dans sa robe
Et, se servant de sa force prodigieuse,
L’enleva comme une plume et le prit à son cou ;
Il sortit du côté de la cour,
Et, avec les ailes que lui donnait la frayeur,
Le porta à la maison de ce seigneur.

Là, il le plaça assis entre deux colonnes
Qui soutenaient une petite terrasse de marbre,
Puis, jouant des jambes, il s’en revint
À la cour du couvent, mais par le plus long chemin ;
Il se renferma dans sa propre cellule
Et se mit à chercher des excuses et des expédients.

Pendant ce temps, le Duc, qui était allé au lit,
Cherchait inutilement à dormir,
Une terreur glaciale lui serrait le cœur :
« Comment cette affaire finira-t-elle ?
» L’amour du moine est connu du voisinage…
» On ne tardera guère à savoir qui l’a tué. »

Il se lève, il éveille son serviteur : « À dire
» La vérité, je ne me sens pas tranquille :
» Je crains que nous ne soyons découverts ;
» Je voudrais savoir si l’on connaît au couvent
» Ce meurtre, et ce qu’on en pense ;
» De grâce, ôtez-moi une frayeur qui me pèse sur le cœur !

» La messe ne tardera guères à commencer…
» Entends-tu ? Justement on sonne matines.
» Approche-toi de quelqu’un dans la sacristie,
» Fais l’endormi et l’imbécile,
» Ouvre les oreilles, informe-toi avec précaution
» Et satisfais ma curiosité. »