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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/290

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LE MORT


— « Trois, si tu veux, » répliqua le Duc…
» — Eh bien ! nous le mettrons sur Sultan
» Pour qu’il le conduise à la maison du diable,
« Ou, au moins, pour qu’il l’emmène bien loin d’ici.
» Ce cheval n’est pas connu du tout,
» Il y a trois jours que nous l’avons, personne ne l’a vu.

» Qu’en arrivera-t-il ? Quelle que soit
» La fin de ce maudit imbroglio,
» Ayez soin de ma famille ;
» Je me déclarerai le meurtrier ; seulement, je veux
» Que vous m’aidiez, et, après cela, allez dormir…
» Ne craignez rien… laissez-vous servir. »

Il ouvre, en parlant ainsi, un magasin
Où d’antiques habits était un grand coffre ;
Il prend une pièce de tapisserie cramoisie
Qui avait cent ans au moins, et la met
Sur le cadavre, déjà nu, dont elle entoure la poitrine
À la façon d’une casaque ou d’un pourpoint.

D’antique toile blanche il lui fit ensuite
Une paire de culottes, longues comme une jupe ;
Il lui mit un turban sur la tête, des savates aux pieds nus,
Des moustaches sous le nez, et il le posa en selle,
Où, pour qu’il ne tombât en galopant,
Il l’assura avec plusieurs cordes et une perche.

Il le fit sortir par la porte de derrière ;
Là, il appliqua sur la croupe du coursier
Un magnifique coup de fouet,
Et celui-ci fit un bond si furieux
Qu’au choc de ses pieds ferrés
On vit jaillir du sol des milliers d’étincelles.