Aller au contenu

Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
À CHEVAL


Le cheval fut bientôt hors de vue. « Que Dieu nous aide ! »
Dit Guzman, « allons-nous-en dormir. »
Cependant, le père Buti, soucieux,
Du côté de l’Orient voyait
Apparaître, quoique incertains et douteux encore,
Les premiers feux de la blonde Aurore.

Il réfléchit et se dit : « Si en justice
» J’allais par malheur être appelé ?…
» Si on me donne la question ? et si j’avoue !
» Il n’y a plus de remède, je suis perdu !
» Ah ! corpo di Bacco ! l’air est malsain ici,
» Une fuite me semble nécessaire. »

Plein de cette idée, il va à la chambre
Du Gardien et lui dit : « Je me propose,
» Avec votre permission, d’aller à présent
» À San Fabiano ; là, j’espère trouver
» Le fermier Giago, qui envers notre couvent
» Est débiteur de ces cent doublons.

» Et, comme la ferme est un peu loin,
» Je prendrai, si vous le permettez,
» La jument de notre Benedetto,
» Que vous avez coutume d’atteler à la calèche. »
« — Allez, » répondit le Gardien, « in sancta pace ;
» J’approuve ce que vous avez dit, et ça me plaît fort. »

Le père Buti retourne dans sa cellule et rassemble
Tout ce qu’il avait de précieux en or et pierres fines,
Car, lorsqu’on doit changer de pays et de condition,
C’est toujours excellente chose d’avoir de l’argent ;
Il met ses bottes, et, de l’écurie
Il se fait amener la jument sellée.