Aller au contenu

Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le pessimisme a été systématisé dans la doctrine religieuse du Bouddhisme, repris dans les temps modernes par Schopenhauer et Hartmann. Être, c’est agir et faire effort. La volonté est le principe, l’essence de tout dans la nature. Nous voulons, ou, mieux, en nous veut l’Inconscient qui nous mène à ses fins, contraires à nos véritables intérêts. Tout souffre, puisque l’effort naît d’un besoin, et tant que le besoin n’est pas satisfait il en résulte de la douleur, ou, quand il est satisfait, c’est pour peu de temps, puisqu’un nouveau besoin fait naître une nouvelle douleur. Plus l’intelligence s’accroît, plus l’être est sensible à la douleur. Conséquence : il faut se désintéresser de la vie. Dans la religion chrétienne, la douleur, la souffrance est considérée comme le résultat de la faute originelle ; elle est sainte, car son acceptation nous permet le rachat de nos péchés ou l’acquisition de mérites précieux pour notre salut. Le Christ a été le « maître de la douleur », et les hommes forment la « société dolente ». Le renoncement, l’abnégation, la pénitence, la mortification, sont préconisées comme règle de vie. — À la vérité, le monde n’est pas absolument bon, mais il peut être rendu meilleur par l’effort des hommes. Il est perfectible et cela suffit pour donner à la vie sa raison d’être : l’effort vers le mieux. Les biens de ce monde ont crû avec le labeur humain ; l’amélioration de la vie matérielle, les jouissances nouvelles créées par l’hygiène, l’esthétique, la pratique de la morale, par la connaissance de la nature, la fréquentation des hommes, la meilleure organisation de la justice. Tout l’effort des hommes tend à la suppression des maux, certes sans y parvenir complètement, mais en remportant des succès croissants. La médecine, par exemple, a restreint le champ des maladies ; l’hygiène a étendu la longévité ; les possibilités entrevues de vie longue paraissent considérables[1].

3. Quelles sont les conditions du bonheur social ? Ce que nous appelons les progrès de la civilisation consiste simplement en un rapprochement successif et laborieux, vers la solution de plus en plus parfaite, définitive et stable de ce grand problème : être heureux, non seulement chacun pour soi, mais tous ensemble, dans la communauté de la vie sociale (Ferrero.) Ainsi la civilisation n’est autre chose qu’une augmentation du bonheur universel, obtenu au moyen des progrès moraux et intellectuels qui enrayent et détruisent peu à peu les maux naissant des passions mauvaises et des erreurs humaines. « L’homme, sans conteste, peut attendre plus de bonheur d’une meilleure organisation sociale. L’association, la société, la cité ont transformé l’anthropoïde en homme. Elle a fait de l’animal indépendant et antagonique un citoyen inter-dépendant et associé. Par là elle a conféré à l’individu une puissance centuplée de comprendre et de

  1. Voir les études de Metschnikoff.