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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/236

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SUBSTITUTS DU LIVRE

talité scientifique de l’homme rationnel qui veille et domine les forces ubiques du moi arbitraire avec le frein de son intellect. À la mentalité positive de l’homme moderne doit correspondre un art positif fondé sur ce que la science connaît du livre.

Mais la science a découvert les horizons immenses de l’irrationnel qui autrefois se confondaient avec ceux de démoniaque et qu’a connus l’homme primitif. La science a donné une destination collective à toutes les activités humaines. En posant en conflit le monde intellectuel et le monde irrationnel, le cinéma russe a essayé de construire un art de signification universelle, qui au delà des frontières et des distances, crée des formes absolues pour parler à la conscience de l’espèce, l’inconscient collectif qui existe dans chaque esprit, plus qu’à la conscience individuelle.[1]

f) C’est dans le film, et non dans la littérature, que se reflète aujourd’hui le mieux le véritable visage d’une nation.

243.363 FILM SCIENTIFIQUE DOCUMENTAIRE.

a) Le cinéma est considéré comme un auxiliaire important dans tous les ordres d’exposés. Il l’est pour la synthèse de l’exposé d’une question, l’analyse étant faite par la parole et la projection fixe ; pour l’étude du fonctionnement d’un appareil ou d’une méthode de fabrication ; pour l’étude d’un phénomène. Le cinéma est aussi un agent incomparable d’information, de documentation, de démonstration et d’éducation du sens de la vision. Sa place est prévue dans l’enseignement du dessin.

Les applications scientifiques et documentaires sont innombrables. L’enseignement de la chirurgie se fait normalement aujourd’hui par le film. C’est Doyen, fort critiqué il y a quelques années, qui en a été l’initiateur. Ce fut la ville de Glasgow qui prit l’initiative de faire établir un film descriptif, pour faire connaître au monde entier ses beautés, son caractère, ses formes d’activité. Ce film sera renouvelé tous les dix ans par la constitution d’un « Film d’or » de Glasgow.

Le cinéma a montré les théories d’Einstein.

Grâce au film, l’anthropologiste peut aujourd’hui posséder dans ses tiroirs tous les actes spéciaux aux divers peuples en collationnant ainsi leur vie. Il les comparera à son gré, étudiera les mouvements, assistera aux fêtes, aux combats, aux cérémonies religieuses et civiles, aux divers modes de commerce.

On représente des mouvements exécutés par des démonstrateurs d’élite. On peut accélérer, ralentir ou arrêter à volonté la marche du film de manière à suivre aisément les commentaires.

On a produit l’illusion de la vie accélérée : un rosier qui en quelques secondes pousse des feuilles et un bouton, des paysages pris à diverses saisons et qui raccordés font voir sur l’écran un champ qui en quelques minutes se couvre de neige, s’en dépouille, puis se garnit de feuillages et de moissons. Le département de l’agriculture des États-Unis a entrepris de prendre les portraits successifs d’un tout jeune chêne, d’heure en heure, même la nuit.

Inversement on a ralenti les mouvements : les battements d’une aile d’oiseau, les formes que prend la goutte d’eau pendant sa chute. Il a suffi d’accélérer la prise de vues, en prenant par ex. 64 images au lieu de 16 par seconde ; projeté à l’allure normale, le mouvement sera montré quatre fois plus lent.

Le Dr Commandon est arrivé à cinématographier à raison de 32 poses par seconde des êtres prodigieusement petits, tels que ceux qui vivent dans le sang.

En 1918. Abraham et Bloch ont enregistré par l’étincelle électrique 50,000 images par seconde. Ils emploient une source d électricité à haute tension, 12 à 15,000 volts et procèdent grâce à un dispositif qui réalise des durées d’éclairement qui sont de l’ordre du millionième de seconde. On a cinématographié ainsi des insectes à vol rapide, des balles de revolver et même des projectiles d’artillerie à leur sortie du canon ou de divers points de leur trajectoire.

L’étude du vol des insectes est destinée, après celui des oiseaux, à fournir des éléments pour l’aviation. Le prof. Magna a développé plusieurs films pris à la fréquence inconnue jusqu’ici de 3,000 images à la seconde. Cette vitesse ayant été ramené sur l’écran à 16 images à la seconde, on peut suivre au ralenti les battements des ailes d’une libellule, d’une mouche, d’un moustique, d’un papillon, et d’un bourdon de jardin. Ce dernier donnait au naturel 200 battements d’aile par seconde.

b) Combinaison du cinéma et de la radioscopie. — Le cinéma et la radioscopie ont été combinés. Ainsi les films réalisés à la Faculté de Médecine de Paris, reproduisant le mouvement des organes contenus dans le thorax, comme le diaphragme et le cœur. Moyen d’investigation précis et fidèle.

On a réalisé cette démonstration : progression d’un lait de bismuth dans l’appareil digestif de la grenouille. L’avantage du système de démonstration, c’est qu’on peut économiser les expériences ; une expérience une fois faite et enregistrée peut se montrer indéfiniment sans devoir être recommencée et l’on voit mieux que si l’on montrait l’expérience in vivo.

Un nouvel instrument, le Phonoscope destiné au diagnostic du larynx, a permis d’étudier le mécanisme de production de la voix humaine. Avec des ralentis de l’ordre de 1/3000 au 1/8000, on obtient sur l’écran des

  1. V. Bnugolaski. Nouvelles soviétiques, juillet 1931.