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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

toutes ; c) faire que sur le schéma collectif de base chacun indique ce que son travail apporte de neuf, soit comme addition, soit comme modification. Il suffirait de donner des couleurs conventionnelles à ce qui est général et connu, aux particularités individuelles et aux conclusions propres au travail.

7. Le Gesellschaft und Wirtschaft Museum de Vienne a produit une véritable renaissance des hiéroglyphes de l’idéographie (Wiener methode). Dans le domaine de la statistique sociale, il a formulé ce principe : « Ce que l’on peut exprimer en images et en couleurs ne doit pas l’être en signes alphabétiques ». La réalisation répondit aux nécessités de la visualisation et de l’esthétique.

8. Il faudra, dans les imprimeries, établir des cases pour la composition typographique des diagrammes et des cartogrammes. Si de telles cases existaient et si des indications pour leur utilisation étaient formulées et répandues, les auteurs trouveraient certes le moyen d’exprimer ou de préciser beaucoup d’idées en s’en servant sans devoir recourir à des clichés spéciaux dont le prix est généralement prohibitif.

222.33 Motifs décoratifs.

1. L’illustration est une chose, la décoration en est une autre. Composition pittoresque et composition décorative.

2. La calligraphie au moyen âge employait des ornements, des miniatures, des vignettes de toute nature.

À son début, la gravure sur bois, dite alors taille d’épargne, était exécutée sur des bois ligneux, filandreux, hêtre ou sapin, à l’aide d’un seul outil, le canif. Les tailleurs d’Ymaiges s’efforçaient à rendre simplement le dessin tracé sur le bois ; ils y mettaient pas mal de science et toute leur âme : leurs naïfs fac-similés n’ont jamais été surpassés.

Ce que nous appelons l’adaptation typographique est recherchée aujourd’hui comme une bien rare qualité. En ce temps, elle était venue d’elle-même, un jour où le graveur avait tracé le dessin et la lettre sur le même bloc. L’instinct et le goût firent le reste : jamais images plus franches et vigoureuses n’épousèrent plus harmonieusement le texte.

Malheureusement, au cours du XVIe siècle, une autre recherche vint altérer le caractère propre de la gravure sur bois. Les graveurs voulurent rendre les effets de perspective aérienne des tableaux, ils imitèrent les travaux séduisants de la gravure sur cuivre, au burin, qui se développait parallèlement. La taille se resserra continuellement, compromettant le résultat de l’impression.

Au XVIIe et au XVIIIe siècles, la gravure sur cuivre se substitua à peu près complètement dans le livre à la gravure sur bois. L’eau-forte, surtout, à ces brillantes époques, obtint un succès considérable. Par sa facture grasse et le charme de sa vivacité, elle atteint admirablement son but : l’arabesque jaillit spontanément sur la page, l’illustration directe, alerte, suit le texte rapidement en de gracieuses fantaisies, tandis que le noir doré de la morsure s’accorde délicieusement à la couleur des fontes en réalisant une parfaite unité. Pendant la Révolution, le beau livre disparaît complètement, et toutes les tentatives du XIXe siècle ne parviennent pas à renouer les bonnes traditions des siècles précédents. Au point de vue illustration, les différentes techniques de la gravure se confondent ou se heurtent ; la gravure sur bois qui végète tristement s’est faite interprétative, elle est dite « en ton » et cherche à traduire par des teintes toutes les nuances du modèle. D’ailleurs, le buis a remplacé les bois de fil, sa matière parfaitement homogène, résistante et plastique, se prête à toutes les virtuosités du burin… mais, hélas, l’habileté n’a jamais remplacé l’Art.

La gravure sombra dans le métier, et l’apparition de la photographie devait achever la débâcle.

3. C’est vers le milieu du XVIe siècle que la taille-douce fut introduite dans le livre. Les premières gravures de ce genre ont une facture rigide imposée par l’outil. — Jacques Callot et Abraham Bosse arrivèrent pourtant à donner au burin une souplesse extraordinaire qui, en modifiant la technique de la gravure, préparait l’avènement de l’eau-forte. — Au XVIIe siècle, les grands maîtres portèrent l’art de l’eau forte à sa plus haute perfection et, suivant l’inoubliable exemple de Christophe Plantin qui fit appel à Rubens pour ses illustrations, tous les nouveaux éditeurs accordèrent leur préférence à la gravure sur cuivre. — Au règne de Louis XIV — l’âge d’or du burin — l’eau-forte arrive à son plein épanouissement et l’école de Simon Vouët décore le livre de reproductions ou d’improvisations mordues généreusement.

Sous Louis XV, l’engouement pour l’eau-forte est complet. C’est le temps où tout le monde fait de l’eau-forte et Madame de Pompadour, elle-même, n’hésite pas à y tremper ses jolis doigts. — Le livre s’enrichit de vignettes gracieuses, légères, de rocailles, de broderies d’arabesques et des charmantes compositions des maîtres et petits maîtres du XVIIIe siècle dont les impressions d’un blond doré s’harmonisent si bien avec les fontes élégantes de l’époque. — Au XIXe siècle, l’invention de la photographie entraîna la décadence de la gravure, précipitant celle du livre.

(Tattegrain.)

4. Notre temps est porté à supprimer les ornements. Il n’en aime pas moins les formes belles, bien proportionnées, harmonieusement riches de couleur ; il les trouve notamment dans la nature. Le modernisme évolue rapidement, on peut déjà considérer avec recul le modernisme d’après 1900, 1910, 1920 et 1925.

5. On a posé la question : Un livre doit-il être uniquement décoré ou doit-il contenir des personnages ? Contre la figuration de personnages on allègue qu’il y a un grand danger de leur donner corps. Chaque lecteur le