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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/84

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ÉLÉMENTS GRAPHIQUES

fait avec son tempérament et son goût. Il faut un artiste de génie pour imposer sa conception du personnage. (Ex. Gustave Doré a créé Gargantua, Naudin a incarné Le Neveu de Rameau, Brouet Les Frères Zemganno.) Un ornement, un paysage accompagneront au contraire le texte sans entrer en lutte avec lui. Ainsi le faisaient les éditeurs français du XVIIe siècle. Ceux d’après-guerre y reviennent pour les éditions demi-luxes ou livres purement typographiques.[1]

Fernand Lot a dit de Gustave Doré : « Traducteur du rêve des plus hauts poètes de tous les temps, il n’a pas été au-dessous de sa tâche. Il a su même si bien y ajouter son propre rêve que sans lui désormais, Cervantes, Dante et l’Arioste seraient appauvris ».

6. Il y a toute une géométrie des tracés basée notamment sur les projections et la perspective. Il y a une composition décorative par combinaison de points, lignes, plans et jeux de fonds.

Le monogramme est un signe emblématique composé de lettres enlacées ou liées et qui expriment le nom propre d’une personne.

7. Il faut applaudir aux progrès réalisés par les procédés photomécaniques. Au point de vue documentaire, le domaine de la science est des plus vastes et elle n’a aucun intérêt à en franchir les limites. Par contre, le domaine de l’art appartient aux artistes et le livre d’art a besoin de spécialistes conscients. Le livre est un conseiller, il guide, il inspire, il instruit. Le beau livre est, en outre, un précieux ami. Il faut pouvoir l’aimer sans arrière-pensée et pour cela aucun détail ne peut en être négligé.

222.4 La page. — L’esthétique du Livre.

1. Notion. — De la mise en œuvre des divers éléments graphiques résulte la page ainsi que l’aspect qu’elle prend : page texte, page illustration ou page mixte.

Les éléments de la page sont : a) les caractères typographiques ; b) les illustrations ; c) la décoration ; d) la justification (largeur du texte d’où largeur des marges) ; e) la place donnée aux éléments, les colonnes ; f) les blancs, les marges ; g) la mise en page. On a traité précédemment des trois premiers points.

La mise en page est au livre document ce que la mise en scène est au théâtre.

Chaque partie du livre, chaque espèce de livre, chaque partie de chacune des espèces donne lieu à un type de présentation de la page imprimée. Ces types combinent des éléments communs avec des éléments qui leur sont propres.

La disposition de la page a été étudiée minutieusement, à la fois en vue de faciliter la lecture d’une part et de répondre aux desiderata de l’esthétique d’autre part. La pratique et la bibliophilie deviennent lois. La page est destinée à être vue (lue). Le mécanisme de la vision est donc en jeu. Les lois de l’optique et de l’occulistique sont à dégager et à observer avant tout.[2]

2. Historique. — La page texte d’après les époques présente un aspect très différent : Grèce : compact, pas de ponctuations. Moyen âge : enluminé. Renaissance : gloses, commentaires. Moderne : illustration et rubrication.

Les premiers livres imprimés étaient parfaits à tous les points de vue, depuis le papier jusqu’à la reliure qui a tenu pendant des siècles. Ce fut suivi ensuite d’une période d’hésitations et de décadence relative de l’art typographique que l’on peut caractériser parfaitement par les productions si laides que l’on connaît bien. Au commencement du XXe siècle, il y eut dans l’imprimerie une renaissance au point de vue artistique.

De nos jours, il s’est fait une réaction du style des imprimés publicitaires, des affiches, sur le style des livres et la composition. La mise en vedette des éléments est devenue de ce chef plus osée.[3]

3. Les caractères typographiques. — Il existe des signes numérotechniques qui ont plus de 4000 ans d’existence, des signes « alphabétiformes ».

Lorsque la forme de l’édition est fixée dans ses grandes lignes, la première chose à faire est de choisir un caractère dont la physionomie soit en rapport avec l’esprit du texte. Cet accord entre l’œuvre littéraire et sa notation typographique est absolument nécessaire, car le lecteur en sera toujours influencé, même à son insu. La principale qualité à rechercher est la parfaite lisibilité et il est toujours dangereux d’adopter une fonte nouvelle, insuffisamment éprouvée.

Éviter le texte tout entier en capitales. Le bas de casse est plus lisible que les capitales. L’ensemble composé en capitales peut attirer l’attention, mais à la lecture la fatigue vient vite. La différenciation des grandeurs et des types de caractère est d’une grande ressource pour distinguer les diverses espèces de données dans un texte. Par ex. le principal du secondaire ; le résumé du corps même de l’ouvrage ; les rubriques du texte lui-même ou des notes.

4. Lignes. — La composition typographique s’opère en lignes continues. On pourrait, si l’on voulait, lui donner la forme de certaines figures.

Dans l’« Élan » de 1926, Osenfant s’est appliqué à des recherches typographiques (psychotypie). Il essaya d’adapter l’expression optique des caractères d’imprimerie au sens des mots. Il conclut : L’effet produit par les « formes sensibles » est puissant même quand il s’agit

  1. Raymond Hesse : Le livre d’après-guerre et les Sociétés de Bibliophiles.
  2. a) Dr. Javal — La lecture et l’écriture.

    b) Cock. — Les Annales de l’Imprimerie, oct. 1910 p. 133.

  3. Le Manuel de Géographie des frères Alexis offre des types caractéristiques d’emplois de textes variés et subordonnés.