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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/85

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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

des signes conventionnels ; les formes sensibles ne sont pas conventionnelles, mais impératives.

5. La justification. — La largeur des pages a cette importance qu’elle permet des dispositions synoptiques ajoutées à la clarté du texte, rend aisée et rapide la référence à toutes les parties du sujet.[1]

Il est des conditions physiologiques imposées aux livres par nos organes. On sait combien est pénible la lecture des longues lignes exigeant un repérage difficile à chaque extrémité et à chaque commencement.

Les journaux ont ouvert la voie à la justification physiologique et rationnelle et en particulier le journal anglais. Des journaux présentent de front 7 colonnes de 5.5 cm. (L’Indépendance Belge). La fiche 12.5 × 7.5 est donc équivalente à la largeur de deux colonnes de journal. Dans le livre on a souvent établi deux colonnes, quand il était de grand format. La Société des Nations produit une quantité de textes imprimés souvent rebutants à lire parce qu’ils ne répondent pas à ces conditions. Les documents de la S. D. N. si difficiles à lire ont des lignes de 14 cm. ⅔, presque plus larges que trois colonnes de journal.

Les revues s’essayent à des caractères de plus en plus petits et à des justifications de plus en plus étroites. Ex. : Le Mouvement Communal (Bruxelles) imprime fréquemment ses pages (19 × 25) en trois colonnes, petit caractère, sans filet séparatif.

6. La mise en page. — Toute une mise en page avec des colonnes, des demi-colonnes, des retraits a été réalisée pour rendre un texte plus clair, plus rapidement assimilable, pour permettre de se reporter plus vite et plus directement à un passage déjà lu ou à découvrir.

Ex. : Les sections du Conseil d’État français faisaient des rapports qu’on imprimait à mi-marge avec celui du Ministre. — Les Tables de la Classification Décimale, édition française et édition anglaise, ont réalisé des mises en page bien équilibrées.

De la mise en page relève la manière de couper les articles de journaux en renvoyant leurs suites plus loin, et la manière de disposer les articles de revue pour faciliter le découpage à l’aide d’un seul exemplaire.

Un exemple de disposition typique d’un texte est donné par les notices bibliographiques imprimées sur fiches et en général par de nombreuses formules dites administratives.

7. Les marges. — Les marges sont l’espace blanc qui apparaît sur les côtés du texte d’un livre ou d’un dessin. Une proportion des marges aux textes, des blancs aux noirs, s’impose. Les marges sont parfois utilisées pour les rubriques annonçant les sujets traités, pour des ratures, pour les références aux textes de base. De larges marges servent aux notes marginales du lecteur.

8. Les colonnes. Le sens de direction du livre. — La colonne divise les pages d’un manuscrit ou d’un imprimé par le milieu au moyen d’un blanc ou d’une ligne qui les sépare de haut en bas. La page peut être divisée en plusieurs colonnes. Ainsi, la page des journaux, des dictionnaires et des grandes encyclopédies, celle des éditions polyglottes.

Les livres orientaux se feuillettent de gauche à droite, les livres occidentaux de droite à gauche. On peut disposer les pages soit dans le sens horizontal par rapport à la reliure, soit dans le sens vertical.

Il est déplaisant d’avoir à changer le sens de lecture et de vision d’un livre, album et atlas. S’efforcer d’imprimer toutes les planches dans le même sens, de manière à n’avoir pas à retourner le livre.

9. L’esthétique du livre. — La présentation typographique doit faire l’objet des soins les plus attentifs. C’est dans le choix des caractères pour titres, sous-titres et rubriques, c’est dans le sectionnement des masses en alinéas bien équilibrés que résident en grande partie les conditions de la belle et bonne page écrite ou imprimée.

La simple typographie est un art véritable par la stricte proportion des caractères et des titres, par l’ordonnancement des blancs, par tous ces détails dont la réunion produit cette chose exquise et rare : un beau livre.

Les grands principes que William Morris a engagés à observer sont les suivants. Il importe de ne rien négliger pour faire du bon ouvrage avec du matériel irréprochable, ce qui constitue l’unité du livre n’est pas la page isolée ; mais la double page du livre ouvert, les deux masses de texte n’étant séparées que par un étroit espace au pli de la feuille ; la largeur des marges doit croître dans l’ordre suivant : la tête, les côtés, la base. Morris attachait une importance capitale à l’espacement, non seulement quant à l’assiette de l’œil de la lettre sur la base, mais aussi quant à la distance entre les lettres d’un même mot, les mots d’une même ligne, les lignes d’une même page. Il nous a démontré que même sans le moindre essai d’ornementation un livre peut devenir une œuvre d’art, pourvu que les caractères en soient bien dessinés sur une base carrée, qu’ils soient de même nature et rapprochés dans la composition sans « blancs inutiles ». Morris voulait que l’illustration, soit planche, soit ornementation, fit partie intégrante de la page et fut comprimée dans le plan du livre.

Ainsi l’esthétique au point de vue typographique est l’art qui consiste à donner aux travaux que l’on exécute le sentiment qu’ils doivent exprimer. L’esthétique est la science qui permet d’établir les principes et les règles de la beauté. Pour qu’une œuvre d’art appliqué soit digne de fixer l’attention, elle doit répondre aux trois conditions suivantes : a) remplir son but ; b) avoir em-

  1. Exemple : Liquidators Index and Summary of the Companies act and Winding of Rules, 1929 ; by J H. Senior and H. M. Prak. London. Sir Isaac Pitman.