Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/198

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au-dessous de Moutiers, les gorges se resserrent, les rochers qui se poursuivaient depuis longtemps, sur la rive droite et la gauche du torrent, semblent se joindre et l’enfermer comme dans une prison dont les murailles hautes de cinq à six cents pieds vont toucher les nues. En quelques endroits, pour compléter l’illusion, les couches horizontales du rocher paraissent les assises d’un monument, et le sommet, sillonné, ébréché par la foudre et par la pluie, imite les créneaux d’une forteresse à moitié démantelée. De longues rangées de pins se tiennent en haut, hérissées et menaçantes, comme une armée en bataille. Quelquefois les constructions des hommes se confondent avec celles de la nature, , et je ne puis oublier une gracieuse église, nichée à une hauteur infinie au-dessus de nos têtes, et dont le petit clocher semblait tout joyeux de porter la croix si près du ciel. Je ne parle pas des cascades et du torrent qui s’en allait à grand bruit, tantôt à nos pieds, tantôt à une extrême profondeur, à demi caché par les touffes d’arbres penchées sur lui. J’aimais mieux les autres passages, et c’étaient les plus nombreux, où la vallée s’élargissait, les pentes s’inclinaient, s’arrondissaient en mamelons, formaient plusieurs plans disposés les uns derrière les autres, se couvraient de verdure et non pas seulement de sapins, mais de chênes, de châtaigniers, de feuillages plus variés et plus riants, pendant que la rivière pacifiée