Aller au contenu

Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblait comme un lac encadré dans des rives fleuries. De distance en distance, des croix, des madones, de petites chapelles dans le rocher, rappelaient qu’à la vue de ces beautés de la terre les hommes s’étaient souvenus de Dieu. Ce qui me frappait surtout, c’était l’activité industrieuse qui animait ce tableau. Le torrent faisait mouvoir beaucoup d’usines il y avait des moulins, des scieries, des fourneaux pour travailler le fer, et moi, qui n’ai pas de passion pour les merveilles de l’industrie, je ne pouvais me défendre d’une pensée qui m’a poursuivi tout-le jour. J’admirais cette loi du travail, venue de Dieu, embrassée par l’homme, s’étendant avec le progrès des siècles et des mœurs, et n’épargnant rien de ce qui semblait fait pour la liberté et le repos. Quoi de plus libre que l’eau et feu ? et cependant on est venu chercher ce torrent au fond de son désert ; on l’a contrarié par des barrages, emprisonné dans des canaux, pour le jeter sur des roues, pour l’attacher comme un esclave a la meule, pour faire agir des soufflets et des scies. On a enchaîné le feu dans les hauts fourneaux dans la pompe à vapeur ; dans la bruyante locomotive, on l’a attelé comme une bête frémissante. Quoi de plus calme, de plus majestueux, dans le repos et le silence, que ces grands arbres, qui semblaient nés pour ne rien faire, comme des fils de rois ! on les fait pourtant descendre de leurs