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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/22

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Elle l’éleva tant bien que mal avec des bouillies de pommes de terre et du lait écrémé qu’elle achetait à bon marché. Il vint au petit un ventre énorme avec des jambes maigres et comme ratatinées. La Pâturelle avait bien de la peine à cause de lui ; il criait souvent d’une voix plaintive et salissait beaucoup de langes. Comme elle avait peu de toile, elle était obligée d’être tous les matins au lavoir ; puis elle faisait sécher devant le feu les linges où se trouvaient toujours de grandes taches vertes. Ces taches l’inquiétaient à la longue et elle en parlait aux voisines. Quand elle démaillotait le petit, Séverin s’approchait et le chatouillait pour le faire rire ; mais il n’y réussissait pas toujours ; le bébé le regardait comme regardent les vieux avec un air de dire :

— Pourquoi ris-tu, toi ? Où vois-tu de quoi rire ?

Alors la mère se penchait, redressait le bonnet de piqué d’où sortaient de rares cheveux sans couleur et baisait longuement les petites tempes bleues ; puis elle pleurait en emmaillotant l’enfant. À trente mois, Désiré marchait à peine, traînait son petit derrière de marmiteux d’une chaise à l’autre, les jambes tordues et roulant sur ses hanches.

Séverin alla un peu à l’école. Son père aurait voulu le faire bien instruire afin qu’il eût de la défense plus tard ; mais, pour cela, il fallait payer l’écolage et les Pâtureau étaient bien pauvres.

Le Boiteux s’arrangea avec le régent : moyennant quelques lapins attrapés en temps de neige, Séverinput fréquenter la classe pendant plusieurs mois. Il apprit assez vite à lire la lettre moulée et même l’écri-