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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/23

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ture ; mais la vie étant devenue plus difficile, l’école fut abandonnée.

Il fallut prendre le bissac et mendier. Séverin faisait ses tournées en compagnie de plusieurs autres petits du village. Pieds nus, le ventre vide, ils s’en allaient, dès le matin, par les sentiers de traverse qui conduisent d’une ferme à l’autre. Ils s’arrêtaient à chaque porte. Quand personne ne les avait entendus arriver, ils toussaient timidement d’abord, puis plus fort pour avertir la ménagère. Si celle-ci était occupée ailleurs, ils s’asseyaient sur le seuil et tapaient du coude dans la porte en chantonnant d’une voix traînante :

— Charité ! charité, s’il vous plaît !

À la fin, de l’intérieur, une voix criait :

— Qu’est ça ?

— Les cherche-pain ! Charité, s’il vous plaît I

— Combien ? disait la voix.

Ils se comptaient :

— Trois ! quatre ! cinq !

Parfois, ils frappaient en vain : la porte ne s’ouvrait pas, et ils attendaient des heures entières, grelottant aux mauvais jours. D’autres venaient qui attendaient aussi.

Il leur arrivait de galopiner le long des routes, mais il fallait ensuite rattraper le temps perdu pour rapporter, le soir, le nombre de morceaux de pain exigés. La course souvent était longue, car les petits bordiers ne donnaient guère, étant eux-mêmes très malheureux. Il ne fallait compter que sur les grosses fermes : là, tout le monde donnait, par bonté ou par gloriole Quant au marquis du château, il faisait distribuer du pain