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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/231

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descendit la côte du champ de foire au milieu des toucheurs de bêtes qui se dirigeaient vers la gare.

Séverin avait dit vrai à la Mariche ; il ne regrettait pas cette histoire de jeunesse. Jadis, aux premiers temps de son mariage, il en avait eu grand’honte ; mais depuis, la vie l’avait tant bousculé qu’il ne voyait plus les choses de la même façon.

Beaucoup d’événements qui lui avaient semblé importants reculaient et s’effaçaient dans son souvenir ; et par exemple, cette courte folie d’amour pour la Mariche n’était plus qu’une toute petite aventure du temps passé — une aventure agréable, en somme, telle qu’il n’en connaîtrait plus.

Quant à cette idée de mariage, c’est cela qui était bien fou ! Se marier, lui ! Qui donc voudrait s’apparier à tant de misère ? Il n’y avait qu’une toquée, qu’une enragée, il n’y avait que Mariche pour y songer. Cette Mariche, elle avait beau se dire changée, elle en tenait encore pour lui ; il se rappela son rire qui sonnait toujours vingt ans.

Non ! ni celle-ci, ni une autre. Bas-Bleu bientôt serait assez grande pour tenir convenablement la maison. Il n’allait pas se remarier au risque d’avoir d’autres enfants. Et puis, il était tout rempli du souvenir de la défunte et encore, il n’avait pas l’idée vers les choses d’amour.

Il arriva chez lui vers quatre heures. Georges, devant la porte, jouait avec les pierres. Dans la maison, Bas-Bleu, assise sur une chaise défoncée, s’appliquait à coudre dans une loque brune. Avant de se lever pour embrasser son père, elle piqua son