Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/25

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feu de bois mort et qui lui avait donné des châtaignes avec une lichette de beurre.

Malgré cela, en général, il évitait les coureurs de routes.

L’année de la guerre fut affreuse dans tous les creux-de-maisons. Chez les Pâtureau, la variole enleva Désiré vers le mois de janvier ; trois mois plus tard, la Pâturelle mourut de sa mauvaise toux. Alors comme Séverin avait neuf ans, un fermier le prit à son service pour lui faire garder les bêtes dans de grands pâtis mal clos. Il s’engageait à lui donner, en plus de sa nourriture, un pantalon, une blouse et une paire de sabots.

Il y eut de bons moments pour le petit berger ; il connut la douceur accueillante des matins d’été et la grave camaraderie des bœufs. Il y eut aussi des jours terribles, des jours traîtres pleins de brume. Les bêtes disparaissaient au bout du pâtis et s’en allaient causer du dommage dans les champs voisins. Les arbres étaient mauvais comme le reste ; Séverin cherchait en vain l’abri des haies. Il grelottait dans les bas-fonds entre les touffes de jonc. Pour se réchauffer, il sautait à cloche-pied, et comme sa panetière lui battait le dos, il s’en débarrassait en mangeant vite son grignon de pain bis et son fromage mou.

Il n’avait jamais que du fromage mou dans sa panetière, car la ménagère était chiche ; forcée de nourrir à peu près les grands valets, elle se rattrapait sur le petit, sachant bien que, de ce côté, elle n’aurait pas de plainte. D’ailleurs, c’était l’habitude que les petits domestiques mangeassent mal ; personne n’y faisait attention.