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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/24

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deux ou trois fois l’an à la porte de l’église ; mais il ne voulait pas que s’ouvrit, pour les petits pouilleux du pays, la grille de son parc ; il avait des valets étrangers au pays et des chiens très méchants : les cherche-pain passaient au large.

Séverin, d’abord, ne mendia qu’une fois par semaine ; mais la misère s’acharna sur la pauvre maisonnée. Il fallut recueillir la grand’mère Pâtureau qui, jusque-là, avait vécu seule, tant bien que mal, grâce à des aumônes et à quelques menus travaux. La vieille femme était devenue tout à fait percluse, incapable de faire virer le fuseau. Alors Séverin fit deux tournées au lieu d’une et des tournées de plus en plus longues, les moins accueillantes des fermières se lassant de donner à un cherche-pain qui revenait si souvent.

Avant que sa grand’mère fût à la maison, quand, aux bonnes portes, il recevait du pain blanc de pur froment, il le mangeait après avoir prélevé la part de Désiré. Cela dut cesser ; et il était difficile de tromper la vieille, qui, elle aussi, avait fait des tournées. Elle était devenue gourmande, buvait le lait de Désiré et jalousait Séverin à qui les ménagères devaient donner, prétendait-elle, de bonnes tartines et des fruits. Elle avait décidé son fils à faire partir le petit tout seul, prétextant qu’il attraperait ainsi de plus gros morceaux ; Séverin faisait alors de longs détours pour rejoindre ses camarades, car il avait peur des chiens et des chemineaux. Il y en avait pourtant, de ces vagabonds, qui n’étaient pas méchants : Séverin en connaissait un, un très vieux bonhomme tout blanc de cheveux, qui l’avait invité à venir se chauffer à son