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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/84

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— T’es moins bête que je ne croyais, avait-il dit ; tiens, te voilà cent sous ; paye-t’en donc une tranche, grosse crapule !

Oui, il lui avait donné cent sous pour passer la soirée au beuglant, le lieutenant de Patifoux. Heureux d’avoir retrouvé ce nom, il reprit très haut pour dominer le tumulte :

— Le lieutenant Bois de Patifoux, de Jacques de Bois de Patifoux… Une chouette femelle, bon Diou !

Puis, très en verve, il chanta, soulignant du geste des allusions déjà claires. Les filles, distraites, ne faisaient pas semblant d’entendre, mais soudain, l’une d’entre elles gloussa et les autres, rouges, coupées en deux, lâchèrent enfin leur rire qui courut comme un poulain fou. D’ailleurs, Calloux chanta aussitôt une autre chanson où tous les mots étaient dits.

On avait commencé par répéter les refrains seulement, maison finit par reprendre aussi chaque couplet. On buvait ensuite tous ensemble, puis on damait une invitation à reboire.

Les femmes commençaient à être grises ; elles chantaient avec les hommes ; leurs voix aiguës filaient entre les grosses voix désordonnées et parfois tremblaient et s’éteignaient comme flammèches au vent.

Auguste et un des valets que le vin rendait forts avaient des bouches profondes et farouches.

Le bossu fut invité à dire quelque chose ; souvent il divertissait les noces ; s’arrangeant de longs cheveux avec de la filasse et se coiffant d’un bonnet de coton, il grimpait sur la table et faisait le vieux ou l’innocent en racontant des histoires très drôles. Mais ce soir, il