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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/94

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aux voisins. En réalité, c’est qu’il trouvait Delphine un peu pâle ; il voulait qu’elle se soignât. Comme il plaçait le fût derrière le buffet, il se prit à songer qu’il n’y avait jamais eu de vin dans la maison de Pâtureau le Boiteux.

Les choses étaient changées, décidément. Delphine, qui n’avait pas été consultée pour cet achat, blâma son homme et se promit bien de ne pas boire ce vin.

Le premier hiver fut mauvais. Delphine fit une fausse-couche et fut longue à se remettre.

Le médecin consulté lui défendit le travail de force ; alors elle tricota et fila pour les gens de métairie ; mais à cette besogne-là on est bien loin de gagner son pain, même sec. D’ailleurs, il faut se chauffer en filant ; le bois manqua : il fallut en acheter d’autre, beaucoup d’autre. Et, encore une fois, quand on eut payé le boulanger et le médecin, l’épargne fut bien mince.

Cependant Delphine se trouva tout à fait rétablie au printemps. Elle songea à se gager chez les Pitaud qui l’avaient demandée pour les mois d’été ; Séverin se fâcha presque : il voulait sa femme chez lui.

— Tu iras en journée, disait-il ; tu gagneras davantage, et tu te reposeras quand tu voudras. Te gager et au moment du gros travail ! Tu es si gaillarde !…

Mais elle le raisonna, lui montra les quatre sous d’économie ; il fallait acheter du linge ; les enfants viendraient et la maladie peut-être… Au moins, en se gageant chez Pitaude, elle n’aurait pas de boulanger à payer, et elle gagnerait de bel argent. Il céda.