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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/189

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LES GARDIENNES

de l’accent si drôle. Mais, assez vite, les galants s’étaient lassés ; elle circulait par le village sans se soucier d’eux le moins du monde, attentive seulement à ne point s’aventurer le soir auprès de l’auberge ; car, les Américains, beaucoup plus réservés à jeun que n’eussent été des soldats français, avaient, après boire, des allures déplorables.

Francine vivait dans son rêve ; elle bâtissait, aile par aile, dans les nuages, un château merveilleux qu’elle embellissait chaque jour. Tout le reste lui devenait peu à peu indifférent.

Grande travailleuse toujours, sachant d’une façon précise ce que l’on attendait d’elle, elle poussait sa besogne en silence sans attendre les commandements. La fatigue ne semblait plus l’atteindre et, de même, glissaient sur elle sans lui faire blessure, les observations méchantes de Solange, les pointes d’humeur de la Misangère.

Elle n’allait plus à la boulangerie à moins qu’elle n’en reçût l’ordre. Marguerite pâlissait en la voyant et lui tournait le dos sans parler. Elle en avait d’abord conçu un gros chagrin qui la tourmentait comme un remords, mais cette peine, peu à peu, allait s’évanouissant.

Georges lui écrivait assez souvent depuis qu’il faisait la guerre au pays d’Italie. À l’occasion du nouvel an, il envoya une lettre plus douce que les autres, par laquelle il marquait son chagrin d’être si loin d’elle et son impatience de la revoir. Elle répondit sur-le-champ par des remerciements.

Elle ne se sentait plus différente des autres, plus