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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/190

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LES GARDIENNES

isolée comme naguère. En ce pays où personne ne prenait garde à elle, où des semaines entières passaient sans qu’on lui adressât la parole autrement que pour la commander, elle vivait, cependant, tendrement en compagnie. Et, de là, venait sa joie, plus encore que de son émoi d’amour.

Sur ses lettres, Georges n’avait jamais parlé du colis envoyé par Francine. Peut-être en gardait-il reconnaissance à une autre. On pouvait penser plus vraisemblablement qu’il ne l’avait pas reçu. Après le jour de l’an, Francine se rendit à la ville et renouvela son exploit. Cette fois, Georges reçut bien le cadeau ; sur une lettre qu’il envoya aussitôt, il conta sa surprise de façon plaisante et il demanda à Francine de l’aider à percer ce mystère, sans quoi il ne saurait quelle personne remercier.

Elle ne répondit point à cette question, mais elle eut le cœur ensoleillé.

Le dimanche, elle se prit à lire en cachette des journaux qu’elle achetait. Cherchant bien vite les nouvelles d’Italie, derrière chaque mot elle s’ingéniait à deviner le visage terrible des choses ; elle se donnait ainsi le frisson, éprouvait des sensations douloureuses mais aiguës, des sensations de vie ardente.

Comme les autres, à présent, Francine Riant de l’Assistance était mêlée au drame de la guerre ; elle s’inquiétait, elle tremblait, elle avait de grands espoirs fous ; et que son cœur pût battre ainsi au rythme de la commune angoisse, c’était pour elle un étrange et fiévreux bonheur.