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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/224

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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

leur faim. Puis ils cherchèrent encore Harrisson et Lygie. L’odeur des morts faisait frémir leurs narines et se hérisser leurs cheveux. Au crépuscule, ils regagnèrent la plaine, coururent jusqu’à un nouveau gîte.

Pendant toute une semaine, ils continuèrent ce manège. Ils étaient tristes, désemparés, presque malades ; seule, la joie de se nourrir animait quelque peu leurs gestes.

Les fruits abondants jonchaient la terre. Le huitième jour, les deux enfants ramassèrent des glands d’espèce délicate et des faînes énormes. Rassasiés dès l’aube, ils se prirent à jouer, dans la fraîche lumière, avec plus d’entrain que de coutume ; puis ils marchèrent au hasard dans la plaine.

Le lendemain, ils revinrent sur leurs pas ; une fois de plus, ils montèrent vers leur ancienne demeure. Un vent très lent, très bas, roulait des flots de pestilence. Des nuées de corbeaux tournoyaient et plongeaient avec des cris joyeux ; deux bandes de chiens se livraient bataille autour d’un tas d’ossements. Samuel et Flore se glissèrent pourtant jusqu’à la maison. Les vivres avaient été dévorés. En revanche, Flore trouva une de ses poupées, qu’elle prit en ses bras ; de son côté, Samuel découvrit un couteau et son jouet préféré, un rouet à feu fabriqué spécialement pour lui, d’après les indications de Harrisson.

Comme les deux enfants cherchaient encore quelques restes comestibles, un grand chien maigre surgit, les yeux flambants dans l’entrebâillement d’une porte. D’un bond, Samuel et Flore gagnèrent la sortie, et ils se sauvèrent sans regarder derrière eux.

Cette fois, ils allèrent très loin, franchirent une rivière sur un pont à moitié démoli et ne s’arrêtèrent