Aller au contenu

Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

nuit sous un épais roncier, trouvèrent un grand épagneul sombre étendu à leurs pieds. Ils se dressèrent d’un bond, se sauvèrent à toute vitesse. Le chien les suivit. Tout en courant, ils lui jetèrent des pierres, et le chien s’arrêta, les regardant de ses beaux yeux tristes. Le lendemain, à leur réveil, il était encore là. Pendant plusieurs jours, il les accompagna ainsi, de loin, tantôt visible, tantôt invisible. Pleins d’inquiétude au début, ils finirent par se rasséréner un peu et ralentirent leur fuite. Un matin, ils s’enhardirent jusqu’à frapper le chien. Alors il se coula tout près d’eux, s’allongea sur le sol, s’offrant aux coups avec un frémissement de joie. Puis il partit comme une flèche et disparut dans l’ombre d’un fourré voisin. Il revint bientôt, portant dans sa gueule un lièvre encore chaud qu’il déposa aux pieds de Samuel. Les deux enfants avaient faim ; ils mangèrent le lièvre et quand ils eurent mangé, ils dansèrent et luttèrent. Le chien n’osait se mêler à leurs ébats, mais il sautait sur place et poussait de légers aboiements joyeux.

Durant les jours qui suivirent, il leur apporta encore du gibier. Les enfants ne le craignaient plus et vivaient dans l’abondance. Néanmoins, ils demeuraient distants, prêts à rompre le pacte.

Un soir, le chien tarda à reparaître. Ils eurent faim et s’endormirent pleins de tristesse. Le chien n’arriva que le lendemain matin. Il apportait un oiseau de belle taille, mais il avait combattu : du sang noir engluait les poils de ses oreilles et de sa gorge. Alors Samuel et Flore prirent de l’eau fraîche au creux de leurs mains et la versèrent sur les plaies. Et, à partir de ce jour, l’alliance fut complète.

Le nouveau compagnon s’habitua bientôt au nom de Ouaf.