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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/76

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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

Il y eut entre eux un assez long silence ; puis Harrisson ne sut prononcer que des paroles ordinaires :

— N’est-ce pas vous, Lygie, qui avez apprécié si… vivement la harangue de Lahorie ? J’ai cru reconnaître le son de votre voix…

Lygie avait retrouvé un peu de son sang-froid ; elle donna de la lumière et dit :

— En effet, je l’ai appréciée comme il convenait. J’étais ici, à cette même place, près du maître… Il écoutait Lahorie, dont le discours le peinait. Et c’est pour le maître que j’ai parlé. Malheureusement, je n’avais pas pris garde à l’émetteur… qui était ouvert… là, tout près !

Ils furent encore silencieux, puis se tournèrent vers Avérine. Le vieillard se tenait sur son fauteuil, à sa place habituelle. Ses yeux se posèrent avec douceur sur les jeunes gens et son visage s’éclaira. Il eut un geste comme pour les unir et il murmura :

— Mes enfants, il faut prendre le temps d’aimer !

Ils se regardèrent et la même pâleur coula sur leur visage grave. Dans le silence, il leur sembla que le battement de leur cœur devenait perceptible. Toute parole devint inutile…

Samuel et Flore parurent sur la terrasse et vinrent se glisser près d’eux pour voir la fête de nuit. Il était tard déjà, et Harrisson demanda :

— Maître, ne songez-vous point à vous reposer ? Cette journée a été fatigante pour vous !

Le vieillard répondit :

— Je n’éprouve pas de fatigue… Mais un peu de tristesse… car il m’est apparu que les hommes nouveaux manquaient de sagesse. L’inquiétude creuse en moi sa blessure.

Il reprit :