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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/102

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l’estain, le plomb, et le fer, ne tiennent la plus grant part de la couleur et du poids de l’argent vif. Item, nous sçauons, qu’auparauant que les metaux soyent purifiez, ils sentent le souphre, et toutesfois ie ne puis accorder, que le souphre qui estoit à la miniere d’argent, soit fixe auec ledit argent, parce que les Orpheures disent, que le souphre empesche de souder l’argent, et est grandement ennemy de la forge d’argent. Bien croiray-je, que ledit souphre aye aidé à la discretion dudit argent, et qu’ainsi que la miniere estoit à la fournaise, le souphre se soit exhalé. Quant est de l’or, les Philosophes disent, qu’il est engendré de souphre rouge, et de vif argent, voulans dire par là, que le souphre rouge a donné la teinture à l’or. Quant est de moy, ie ne vy oncques souphre rouge, mais quand ainsi seroit, qu’il s’en trouueroit quantité, si ne pourrois-ie accorder, que l’or print sa teinture dudit souphre : car il faut necessairement, que ce qui a teint ledit or, soit de plus haute couleur que rouge, car vn rouge ne peut augmenter vn autre rouge, sans se palesir. Ie crois plustost, que la teinture de l’or seroit venue de l’antimoine que non pas du souphre : et ce, à cause que sa teinture iaune, est de si haute couleur, qu’vne liure d’antimoine pourra teindre vn grand nombre de liures d’argent vif, ou autre metal blanc. Ie suis fort esmerueillé, comment on peut croire, que l’or puisse servir à restaurer les personnes, sans estre dissout, c’est pour les mesmes causes, que ie t’ay dit, que tu ne peux trouuer le goust du sel, si premierement il ne se dissout : et si ainsi est qu’on ne trouue point de saueur és pierres salees, ausquelles le sel est fixe parfaitement, combien moins de goust trouuera vn malade en l’or, s’il n’est dissout ? Or il est ainsi, qu’il n’y a rien plus fixe que l’or : tu l’as beau tremper et bouillir, tu n’as garde de le dissoudre. Il me semble que la nourriture de l’homme, est en ce que son estomac cuist et dissout les choses qu’il prend par la bouche, et puis la substance se depart par toutes les parties du corps, et voila vne nourriture et restaurant : mais comment l’estomac d’un homme debile, et quasi mort, pourra-t-il dissoudre l’or, et le departir par toutes les parties de son corps, veu que les fournaises, voire mesme eschauffees d’vne chaleur plus que violente, ne le peuuent consommer ? Il faudroit que l’estomac de l’homme malade fust plus chaud que les fournaises, ou ie n’y entens rien. Vray est,