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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/135

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certains autres enfans, ce sera ce Monsieur là, qui mangera les autres, et aura la meilleure part, sans auoir esgard qu’il a beaucoup cousté aux escholes pendant que ses autres freres cultiuoient la terre auec leur pere. Et en cependant, voila qui cause que la terre est le plus souvent auortee, et mal cultiuee, parce que le mal-heur est tel, qu’vn chacun ne demande que viure de son reuenu, et faire cultiuer la terre par les plus ignorans, chose malheureuse. À la mienne volonté, disois-je lors, que les hommes eussent aussi grand zele, et fussent aussi affectionnez au labeur de la terre, comme ils sont affectionnez pour acheter les offices, benefices, et grandeurs, et lors la terre seroit benite, et le labeur de celuy qui la cultiueroit, et lors elle produiroit ses fruits en sa saison. Ayant contemplé toutes ces choses, ie m’en allay pourmener deuers le costé du vent d’Est, et en me pourmenant pardessous les arbres fructiers, i’y receu vn grand contentement, et plusieurs ioyeux plaisirs : car ie voyois les Escurieux (écureuils) cueillans les fruits, et sautans de branche en branche, faisans plusieurs belles mines et gestes. Ie voyois d’autre part cueillir les noix aux groles (corneilles), qui se resiouyssoient, en prenant leur repas et disner sur lesdits Noyers. D’autre part, ie trouuois sous les Pommiers certains herissons, qui s’estoyent roulez en forme ronde, et auoyent fait piquer leurs poils, ou aiguillons sur lesdites pommes, et s’en alloyent ainsi chargez. Ie voyois aussi la sagesse du renard, lequel se trouuant persecuté des puces, prenoit un bouchon de mousse dedans sa bouche, et s’en alloit à vn ruisseau, et s’estant culé dedans ledit ruisseau, il entroit petit à petit pour faire fuyr toutes les puces du corps en sa teste : et quand elles s’en estoyent fuyes iusques à la teste, le renard se plongeoit encore tousiours, iusques à ce qu’elles fussent toutes sur le museau, et quand elles estoyent sur le museau il se plongeait jusqu’à ce qu’elles fussent sur la mousse, qu’il auoit mise en sa gueule, et quand elles estoyent sur la mousse, il se plongeait tout à vn coup, et s’en alloit sortir au dessus du courant de l’eau : et ainsi, il laissoit ses puces sur ladite mousse, laquelle mousse leur seruoit de bateau pour s’en aller d’vn autre costé. I’apperceu aussi vne finesse que le renard fit en ma présence la plus fine et subtile que i’ouys oncques parler : car iceluy se trouuant desnué de viures, et voyant que l’heure du disner s’approchoit, et qu’il n’auoit