Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88

encore rien de prest, il s’en alla coucher en vn champ, pres et ioignant l’aile d’vn bois, et estant là couché, il dilata les iambes en sus, et ferma les yeux, et estant ainsi couché à la renuerse faisant du mort, et tirant son membre : dont aduint qu’vne grole n’ayant aussi rien à disner, pensant que le dit renard fust mort, se va poser sur son ventre, pensant de son membre que ce fust quelque chair desia commencee à detailler : mais la grole fut bien affinee, car dés le premier coup de bec qu’elle commença à donner sur ledit membre, le renard d’vne vistesse soudaine empongna la grole, laquelle ne seut tenir aucune contenance, sinon de faire coüa : et voila comment le fin renard print son disner aux despens de celle qui le vouloit manger.

Toutes ces choses m’ont rendu si amateur de l’agriculture, qu’il me semble, qu’il n’y a thresor au monde si precieux, ni qui deust estre en si grande estime, que les petites gittes des arbres et plantes, voire les plus mesprisees. Ie les ay en plus grande estime que non les minieres d’or et d’argent. Et quand ie considere la valeur des plus moindres gittes des arbres ou espines, ie suis tout esmerueillé de la grande ignorance des hommes, lesquels il semble qu’auiourd’huy ils ne s’estudient qu’à rompre, couper, et deschirer les belles forests que leurs predecesseurs auoyent si precieusement gardees. Ie ne trouueray pas mauuais qu’ils coupassent les forests, pourueu qu’ils en plantassent apres quelque partie : mais ils ne se soucient aucunement du temps à venir, ne considerans point le grand dommage qu’ils font à leurs enfans à l’aduenir.

Demande.

Et pourquoy trouues-tu si mauuais, qu’on coupe ainsi les forests ? il y a plusieurs Euesques, Cardinaux, Prieurs et Abbez, Moineries, et Chapitres, qui en coupant les forests, ils ont fait trois profits. Le premier, ils ont eu de l’argent des bois et en ont donné quelque partie aux femmes, filles et hommes aussi. Item, ils ont baillé la sole desdites forests à rente : dont ils ont eu beaucoup d’argent des entrees. Et apres les laboureurs ont semé du bled et sement tous les ans, duquel bled ils en ont encore vue bonne portion. Voila comment les terres valent plus de reuenu, qu’elles ne faisoyent auparauant. Parquoy ie ne puis penser, que cela doiue estre trouué mauuais.