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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/14

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VI

les rives des fleuves ; visitant les carrières et les mines, les grottes et les cavernes ; en un mot, demandant partout à la nature elle-même le secret des merveilles qu’elle offrait à son admiration et à son étude. L’éducation scientifique de Palissy, au lieu de commencer par les livres, partait ainsi des bases les plus certaines, les plus fécondes : l’expérience et l’observation.

Ses voyages étaient terminés en 1539. De retour dans son pays natal, Palissy alla se fixer à Saintes, et s’y maria. Quelques années plus tard, déjà surchargé de famille et luttant contre la misère, le hasard fit tomber entre ses mains une coupe de terre émaillée d’une grande beauté. Aussitôt il conçoit la pensée d’imiter ce travail, et de se livrer à un art entièrement nouveau pour lui. On sait qu’à cette époque la poterie n’était point recouverte de vernis, ou du moins que cet art, déjà pratiqué en Italie, à Faenza et à Castel-Durante, n’était point encore connu en France. Palissy vient à penser que, s’il parvenait à découvrir le secret de cet émail, il pourrait élever l’art de la poterie à un degré de perfection inconnu jusqu’alors. Le voilà donc livré à cette recherche, mais en aveugle, « comme un homme qui taste en ténèbres, » attendu qu’il n’avait aucune connaissance ni des matières ni des procédés. C’est dans son traité de l’Art de Terre (pag. 309-321) qu’il faut lire l’admirable récit de ses tentatives, des difficultés qu’il eut à vaincre, et des maux qu’il eut à souffrir pendant le cours de seize années, avant d’avoir réussi à donner toute la perfection désirable aux ouvrages sortis de ses mains. Ce n’est pas sans une admiration mêlée d’attendrissement qu’on peut lire les pages sublimes dans lesquelles il raconte avec autant de simplicité que de grandeur la longue série de ses efforts et de ses misères. Forcé de préluder à La recherche de son nouvel art par la connaissance des terres argileuses, la construction des fourneaux, l’art du modeleur, du potier, du mouleur, et l’étude de la chimie, qu’il fut obligé, comme il dit, « d’apprendre avec les dents, » c’est-à-dire en s’imposant les plus