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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/15

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VII

dures, les plus cruelles privations, il faut le voir poursuivre sa pensée avec une ardeur, une constance à toute épreuve ; consacrant ses veilles, ses économies, sa santé, et jusqu’aux choses nécessaires à sa subsistance, à ses recherches incessantes ; déçu à chaque instant dans son espoir, mais retrouvant tout son courage à la moindre lueur de succès, et dans cette lutte de l’intelligence, de la volonté, contre les obstacles matériels, parvenir enfin à lasser la mauvaise fortune et à faire triompher sa pensée créatrice.

Cependant il lui fallait subvenir aux besoins d’une nombreuse famille, soutenir les reproches des siens, les représentations de ses amis, les sarcasmes de ses voisins, et continuer à exercer ses talents ordinaires, afin « d’eschapper le temps » qu’il employait à la recherche de son nouvel art. En 1543, des commissaires chargés d’établir la gabelle en Saintonge l’appelèrent pour lever le plan des îles et des marais salants de la province. « Cette commission parachevée, dit-il, je me trouvay muny d’un peu d’argent, et je reprins l’affection de poursuyure à la recherche desdits emaux. » Le voici donc de nouveau livré à des essais innombrables ; il passe les nuits et les jours à rassembler, à combiner toutes les substances qu’il croit propres à son objet ; il pulvérise, broie, mélange ces drogues dans toutes les proportions ; il en couvre des fragments de poterie, il les soumet à toutes les épreuves, à tous les degrés de cuisson. Mécontent des fours ordinaires à poterie, il construit de ses propres mains des fourneaux semblables à ceux des verriers ; il va chercher la brique, l’apporte sur ses épaules, pétrit la terre, maçonne lui-même ses fourneaux, les emplit de ses ouvrages, allume le feu, et attend le résultat. Mais, ô déception ! tantôt le feu est trop faible, tantôt il est trop ardent ; ici l’émail est à peine fondu, là il se trouve brûlé ; les pièces sont déformées, brisées, ou bien elles sont couvertes de cendre. À chaque difficulté nouvelle, il faut trouver un expédient, un remède ; et il en trouve de si ingénieux, de si efficaces, que l’art les a adoptes pour toujours. Mais des obsta-