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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/144

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prescher, et qu’il auoit accoustumé auoir ses aises dés sa jeunesse, cela lui coutoit de soustenir l’Eglise Romaine : Et ie dis lors, tu es bien meschant, et tu fais de l’hypocrite deuant tes freres les autres Chanoines, qui pensent que tu soutiens, et que tu croyes directement les statuts de l’Eglise Romaine. Non, non, dit-il, il n’y en a pas un de mes compagnons qui ne confesse la verité, ne seroit la crainte de perdre leur reuenu : et qu’ainsi ne soit, il n’y a celui qui ne mange de la chair en caresme aussi bien comme moy, et quelque mine qu’ils facent, ils ne vont à la messe sinon pour conserver la cuisine, et de ce n’en faut douter : et quand n’eut esté que les bonnes gens nous vouloyent contraindre d’aller prescher, nous eussions aisément souffert les ministres, mais nostre reuenu est cause que nous faisons nos esforts pour les banir. Adonc ie pensay que ça seroit folie à moy de le vouloir admonester, attendu la response qu’il auoit faite. Lors pour sauoir si son dire contenoit vérité, i’empoignay la teste d’un Président de Chapitre, mais elle estoit terrible : car elle ne vouloit iamais endurer la coupelle, ni permettre qu’on feist aucun examen de ses affaires ; il regimboit, il batoit, il penadoit, il entroit dans une noire cholére vindicative. Quoy voyant, ie me despitay comme luy, et bon gré malgré qu’il en eust, je le mis à l’examen et vins à séparer ses parties, savoir est, la cholere noire et pernicieuse d’un costé, l’ambition et superbité de l’autre, ie mis d’autre costé le meurtre intestin qu’il portoit contre ses haineux : brief, ie separay ainsi toutes ses parties, comme un bon alchimiste separe les matieres des metaux, et lui demanday, Ne veux-tu point laisser tes folies ? Est-il pas temps de se conuertir ? Quoy, dit-il, folies, il n’y a homme en ceste paroisse plus sage que moy. Ie suis, disoit-il, de la nouuelle religion quand ie veux, et entens la verité aussi bien qu’un autre, mais ie suis sage, ie chemine selon le temps, et fais plaisir à ceux que i’aime, et me venge de ceux que ie hais : Voire, dis je, mais ce n’est pas une vie Chrestienne : car on sait bien que les prestres ne doiuent point estre paillards. Quoy, paillards, dit il, il est vray que i’ay une femme à laquelle i’ay fait plusieurs enfans, mais elle n’est point paillarde, elle est ma femme ; nous sommes tous deux espousez secretement. Et ie lui dis lors, Pourquoi est-ce donc que tu persecutes et taches à faire mourir les Chrestiens ?