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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/145

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Quoy, mourir, dit-il, i’en ai sauué plusieurs : vray est que ceux que ie hayssois, ie n’ay espargné de les poursuiure. Quelque chose que ie peusse dire, ni faire, iamais ie ne seus faire accroire à ce Président, qu’il ne fust homme de bien, et sage, combien que ie voyois de merueilleuses manuaisetiez en ses parties, lesquelles i’auois mises à l’examen. Apres cestuy là, ie prins la teste d’un Iuge Présidial, qui se disoit estre bon seruiteur du Roy, lequel auoit grandement persecuté aucuns Chrestiens, et favorisé beaucoup de vicieux, et ayant mis sa teste à l’examen, et avoir separé ses parties, ie trouuay qu’il s’estoit une partie engraissé d’un morceau de benefice qu’il possedoit : lors ie cogneu directement que cela estoit la cause qu’il faisoit la guerre à l’Evangile, ou à ceux qui la vouloyent exposer en lumiére. Quoy voyant, ie le laissay là comme un fol, sachant bien que je n’eusse eu aucune raison de luy, puisque sa cuisine estoit engraissée d’un tel potage. Adonc ie vins à examiner la teste et tout le corps d’un Conseiller de Parlement, le plus fin gantier qu’on eut seu iamais voir, et ayant mis ses parties en la coupelle et fourneau d’examen, ie trouuay que dedans son ventre il y auoit plusieurs morceaux de benefice qui l’auoyent tellement engraissé que son ventre ne pouuoit plus tenir dedans ses chausses. Quand i’eus apperceu une telle chose, i’entray en dispute auec luy, en luy disant, Viens çà, es-tu pas fol ? Est-il pas ainsi, que le profit de tes bénéfices causoyent que tu faisois le procés des Chrestiens ? confesse par là que tu es un fol, ie dis plus fol que non pas Esaü, qui donna l’heritage de sa progeniture pour vne escuelle de legumes : il ne donna qu’un bien temporel, mais tu donnes un regne eternel, et prens peines eternelles pour le plaisir et délectation de ton ventre. Confesse donc que ta folie est sans comparaison plus grande que non pas celle d’Esaü. Esaü pleura son péché, ce neantmoins, il ne fut point exaucé : ie ne veux pas dire par là que si tu confesses ton iniquité, tu ne sois pardonné, mais i’ai grand peur que tu n’en feras rien, attendu que tu batailles directement contre la verité de Dieu, que tu cognois bien. Ie n’eus pas si tost fini mon propos, que ce fol et insensé ne se mist à ses esforts de me rendre honteux et vaincu es propos que ie luy auois tenus, et me dist à haute voix : Et en estes-vous encore là ? Si ainsi estoit que ie fusse fol pour tenir des benefices, le nombre des fols seroit bien