Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106

cents liures, qu’il presenta au Geolier, pourueu qu’il voulust de nuict mettre ledit Philebert hors des prisons. Quoy voyant le Geolier, fut presque incité à ce faire, toutesfois il demanda conseil audit maistre Philebert, lequel respondant, luy dist, qu’il valoit mieux qu’il mourust par la main de l’executeur, que de le mettre en peine pour luy. Quoy sachant ledit Aduocat, rapporta son argent : ie te demande, Qui est celuy de nous, qui voudroit faire le semblable, estant à la merci des hommes ennemis, comme il estoit ? Les Iuges de ceste Ville sauoient bien qu’il estoit de saincte vie, toutesfois ils l’ont fait pour crainte de perdre leurs offices, ainsi le faut-il entendre. Ie fus bien aduerti, que cependant que ledit Philebert estoit és prisons de ceste Ville, qu’il y eut vn personnage, qui parlant dudit Philebert, dist à vn Conseiller de Bourdeaux : On vous amenera vn de ces iours vn prisonnier de Xaintes, qui parlera bien à vous, Messieurs : mais le Conseiller en blasphemant le nom de Dieu, iura qu’il ne parleroit pas à luy, et qu’il se donneroit bien garde d’assister à son iugement. Ie te demande, ce Conseiller se disoit estre Chrestien, il ne vouloit pas condamner le Iuste ; toutesfois, puisqu’il estoit constitué Iuge, il n’aura point d’excuse : car puis qu’il sauoit que l’autre estoit homme de bien, il deuoit de son pouuoir s’opposer au iugement de ceux qui par ignorance, ou par malice le condamnerent, liurerent, et firent pendre comme vn larron, le 18. d’Auril de l’an susdit. Quelque temps auparauant la prise dudit Philebert, il y eut en ceste Ville vn certain artisan, pauure et indigent à merueilles, lequel auoit vn si grand desir de l’auancement de l’Euangile, qu’il le demonstra quelque iour à vn autre artisan aussi pauure que luy, et d’aussi peu de sauoir, car tous deux n’en sauoyent guere : toutesfois le premier remonstra à l’autre, que s’il vouloit s’employer à faire quelque forme d’exhortation, ce seroit la cause d’vn grand fruit : et combien que le second se sentoit totalement desnué de sauoir, cela luy donna courage : et quelques iours apres, il assembla vn Dimanche au matin neuf ou dix personnes, et parce qu’il estoit mal instruit és lettres, il auoit tiré quelques passages du vieux et nouueau Testament, les ayans mis par escrit. Et quand ils furent assemblez, il leur lisoit les passages ou authoritez, en disant, Qu’vn chacun selon ce qu’il a receu de dons, qu’il faut qu’il les distribue aux autres, vt que tout arbre