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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/164

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poissons, qui estoyent si faibles de leur nature, qu’il n’y auoit aucune apparence de vie, fors qu’vne forme de liqueur baueuse, comme sont les huitres, les moucles (moules), les sourdons, les petoncles, les auaillons, les palourdes (pelorides), les dailles (pholades), les hourmeaux, les gembles, et vn nombre infiny de burgaux (limaçons) de diuerses especes et grandeurs. Tous ces poissons susdits sont foibles, comme ie t’ay cy deuant dit : mais quoy ? voicy à présent vne chose admirable, qui est, que Dieu a eu si grand soin d’eux, qu’il leur a donné industrie de se sçauoir faire à chacun d’eux vne maison, construite et niuelee par vne telle Geometrie et Architecture, que iamais Salomon en toute sa Sapience ne sceut faire chose semblable : et quand mesme tous les esprits des humains seroient assemblez en vn, ils n’en sçauroient auoir fait le plus moindre traict. Quand i’eu contemplé toutes ces choses, ie tombay sur ma face, et en adorant Dieu, me prins à escrier en mon esprit, en disant, O bon Dieu ! ie puis à présent dire, comme le Prophete Dauid ton seruiteur : Et qu’est-ce que de l’homme, que tu as eu souuenance de luy ? et que mesme tu as fait toutes ces choses pour son seruice et commodité ? toutesfois, Seigneur, il n’a honte de s’esleuer contre toy, pour destruire et mettre à neant ceux que tu as enuoyez en la terre, pour annoncer ta iustice et iugement aux hommes. O bon Dieu ! et qui sera celuy qui ne s’esmerueillera de ta patience merueilleuse ? Iusques à quand laisseras-tu souffrir et endurer les Prophetes et esleus que tu as mis à la mercy de ceux qui ne cessent de les tormenter ? Ce fait, ie me pourmenay sur les rochers pour contempler de plus pres les excellentes merueilles de Dieu, et ayant trouué certains gembles, qu’on appelle autrement œils de bouc, i’apperceu qu’ils estoyent armez par vne grande industrie : car n’ayans qu’vne coquille sur le dos, ils s’attachoyent contre les rochers, en telle sorte, que ie pense qu’il n’y a nul poisson en la mer, tant soit-il furieux, qui le sceust arracher de ladite roche. Et quand on veut arracher ledit poisson, qui n’est que baue, ou vne liqueur endurcie, si on faille du premier coup de l’arracher, en mettant vn couteau entre la roche et luy, il se viendra si fort resserrer et ioindre à la roche, qu’il n’est pas possible de l’arracher, qui est chose admirable, veu la foiblesse de son estre. L’hourmeau, et plusieurs autres especes s’attachent en cas pareil : car autrement leurs ennemis