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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/165

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les deuoreroyent soudain. N’est-ce pas aussi chose admirable de l’herisson de mer ? lequel par ce que sa coquille est assez foible, Dieu luy a donné moyen de sçauoir faire plusieurs espines piquantes, par dessus son halecret (sa cuirasse) et forteresse, tellement qu’estant attaché sur la roche, on ne le sçauroit prendre sans se piquer. N’est-ce pas vne chose admirable, de voir les poissons qui sont armez de deux coquilles ? Si tu consideres les petoncles, et les sourdons, et plusieurs autres especes, tu trouueras une industrie telle, qu’elle te donnera occasion de rabaisser ta gloire. As-tu iamais veu chose faite de main d’homme, qui se peust rassembler si iustement, que font les deux coquilles et harnois desdits sourdons et petoncles ? Certes il est impossible aux hommes de faire le semblable. Penses-tu que ces petites concauitez et neruures, qui sont auxdites coquilles, soyent faites seulement par ornement, et beauté ? Non, non : il y a quelque chose d’auantage : Cela augmente en telle sorte la force de ladite forteresse, comme feroyent certains arcboutans appuyez contre vne muraille, pour la consolider : et de ce n’en faut douter, i’en croiray tousiours les Architectes de bon iugement. Penses-tu que les poissons qui erigent leurs forteresses par lignes aspirales, ou en forme de limace, que ce soit sans quelque raison ? Non, ce n’est pas pour la beauté seulement, il y a bien autre chose. Tu dois entendre, qu’il y a plusieurs poissons, qui ont le museau si pointu, qu’ils mangeroyent la plus part des susdits poissons, si leur maison estoit droicte : mais quand ils sont assaillis par leurs ennemis à la porte, en se retirant au dedans, ils se retirent en vironnant, et suiuant le traict de la ligne aspirale : et par tel moyen, leurs ennemis ne leur peuuent nuire. Quoy consideré, ce n’est pas donc pour la beauté que ces choses sont ainsi faites, ains pour la force. Qui sera l’homme si ingrat, qui n’adorera le souuerain Architecte, en contemplant les choses susdites ? Me pourmenant ainsi sur les rochers, ie voyois des merueilles, qui me donnoyent occasion de crier, en ensuiuant le Prophete : Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous : mais à ton Nom donne gloire et honneur, et commençay à penser en moy-mesme, que ie ne pourrois trouuer aucune chose de meilleur conseil, pour faire le dessein de ma Ville de forteresse : lors ie me mis à regarder, lequel de tous les poissons seroit trouué le plus industrieux en