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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/177

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À TRES HAUT ET TRES PUISSANT SIEUR
LE SIRE ANTHOINE DE PONTS, CHEUALIER DES ORDRES
DU ROY, CAPITAINE DES CENTS GENTILS-HOMMES,
ET CONSEILLER TRES FIDELE DE SA MAIESTÉ.




L e nombre de mes ans m’a incité de prendre la hardiesse de vous dire qu’vn de ces iours ie considerois la couleur de ma barbe, qui me causa penser au peu de jours qui me restent, pour finir ma course : et cela m’a fait admirer les lis et bleds des campagnes, et plusieurs especes de plantes, lesquelles changent leurs couleurs verdes en blanches, lors qu’elles sont prestes de rendre leurs fruits. Aussi plusieurs arbres se hâtent de fleurir quand ils sentent cesser leur vertu vegetatiue et naturelle, vne telle considération m’a fait souuenir qu’il est escrit : que l’on se donne garde d’abuser des dons de Dieu, et de cacher le talent en terre : aussi est escrit que le fol ceant sa folie vaut mieux que le sage celant son sçauoir. C’est donques chose iuste et raisonnable que chascun s’efforce de multiplier le talent qu’il a receu de Dieu, suyuant son commandement. Parquoy ie me suis efforcé de mettre en lumiere les choses qu’il a pleu à Dieu me faire entendre, selon la mesure qu’il luy a plu me departir, afin de profiter à la postérité. Et par ce que plusieurs souz un beau Latin, ou autre langage bien poli, ont laissé plusieurs talents pernicieux pour abuser et faire perdre le temps à la ieunesse : qu’ainsi ne soit, vn Geber, un Roman de la Roze, et un Raimond Lule, et aucuns disciples de Paracelse, et plusieurs autres alchimistes ont laissé des liures à l’estude desquels plusieurs ont perdu